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l’Océan ou de la terre ferme où ils n’avaient rien (que du mal) à faire, et quelque traitement à empocher, cela n’empêchait pas cependant d’en réunir un certain nombre. Mme Gowan se chargea de ce soin. Elle se présentait fréquemment chez M. Meagles avec de nouveaux noms à ajouter à la liste des invités, et elle avait avec lui de petites conférences, lorsqu’il n’était pas occupé (le malheureux ne l’était que trop à cette époque), à examiner et à solder les dettes de son futur gendre dans la petite salle ornée des balances et de la pelle à or.

Parmi les invités, il en était un dont la présence intéressait davantage M. Meagles, et dont l’absence lui eût causé plus de souci que celle du plus puissant des Mollusques attendus ; et pourtant il s’en fallait beaucoup qu’il fût insensible à l’honneur de recevoir une société aussi distinguée. C’était Clennam. Mais Clennam avait fait, sous les arbres de la sombre allée et par cette belle nuit d’été, une promesse qu’il tenait pour sacrée, et dans la loyauté de son cœur, il lui semblait que cette promesse renfermait une foule d’obligations tacites. Il se croyait tenu de faire preuve d’une abnégation constante et de ne jamais manquer une occasion de rendre le plus léger service à Chérie ; pour commencer, il répondit gaiement à M. Meagles :

« Mais certainement, je viendrai. »

M. Meagles semblait un peu embarrassé de savoir ce qu’il ferait à l’égard de l’associé d’Arthur, Daniel Doyce ; le digne gentleman n’était pas tout à fait convaincu qu’il ne résulterait pas du mélange de Daniel avec un nombre donné de Mollusques officiels, quelque combinaison explosive, même à un repas de noces. Mais ce grand criminel de Doyce le tira d’embarras en se présentant à Twickenham pour représenter qu’il venait, avec la liberté d’un ancien ami, demander comme une grande faveur qu’on ne l’invitât pas.

« Attendu, dit-il, que mes relations avec ces messieurs ont eu pour objet de remplir un devoir et de rendre un service à mon pays, et que les relations de ces messieurs avec moi ont eu pour but de m’en empêcher et de me décourager de guerre lasse, je crois que nous ferons mieux de ne pas manger et boire à la même table en ayant l’air d’être du même avis. »

Cette nouvelle excentricité de son ami amusa beaucoup M. Meagles, et ce fut avec un air de patronage plus indulgent que de coutume qu’il lui répondit :

« Soit, Daniel, soit : encore une bizarrerie ! Mais faites à votre guise. »

À mesure que le jour du mariage approchait, Clennam chercha, avec beaucoup de simplicité et de sincérité, à faire entendre à M. Henri Gowan qu’il était disposé à lui offrir franchement et loyalement son amitié. M. Gowan, de son côté, ne se départit pas de son aisance habituelle et lui accorda autant de confiance que par le passé… c’est-à-dire qu’il ne lui en accorda pas du tout. « Voyez-vous, Clennam, remarqua-t-il un jour, en passant, au