Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/369

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’un indigent de Workhouse ! (nouvelle balle lancée par le fusil à vent.)

— Mais, cher père… s’écria la petite Dorrit, je ne cherche pas à me justifier de vous avoir causé tant de peine… non, je vous assure… (elle joignait ses mains suppliantes dans une angoisse inexprimable), tout ce que je vous demande c’est de vous consoler et d’oublier ma faute. Mais si je n’avais pas su que vous étiez toujours si bon pour ce vieillard, et que vous étiez toujours content de le voir, je ne serais pas venue ici avec lui, père, croyez-le bien. La faute que j’ai eu le malheur de commettre, je l’ai commise sans vouloir. Je ne voudrais pas amener une larme dans vos yeux, cher père, pour rien au monde. »

Le cœur de la petite Dorrit était prêt à se briser.

Fanny, avec un sanglot moitié irrité moitié repentant, se mit à pleurer de son côté, et s’écria (ainsi qu’elle ne manquait jamais de le faire lorsque ses colères commençaient à se dissiper, et qu’elle était très-fâchée contre elle-même et un peu fâchée contre les autres), qu’elle voudrait être morte.

Le Doyen avait serré sa plus jeune fille contre son cœur, et la caressait en lui lissant les cheveux.

« Là, là ! n’en parlons plus, Amy ; n’en parlons plus, mon enfant. Je l’oublierai dès que cela me sera possible. Je… (avec une gaieté affectée) je… tâcherai de l’oublier bientôt. Il est parfaitement exact, ma chère, que je suis toujours heureux de voir mon vieux protégé… mais en cette qualité seulement, vous comprenez, et que je tends à ce… hem !… roseau brisé (j’espère qu’il n’y a aucune inconvenance à le désigner ainsi), une main aussi… hem… aussi protectrice et aussi bienveillante que ma position me permet de le faire. Tout cela est très-exact, ma chère enfant. Mais, en même temps, je sais ne pas dépasser les bornes que m’impose… hem !… le sentiment de ma propre dignité… de la dignité qui me convient. Il y a certaines choses (il s’arrêta pour sangloter) qui ne sauraient se concilier avec ce sentiment et qui le blessent… qui le blessent profondément. Ce n’est pas d’avoir vu ma chère Amy prévenante et… hem !… affable envers mon vieux protégé… ce n’est pas là ce qui me froisse. C’est… car je veux me montrer explicite en terminant ce pénible entretien… d’avoir vu ma fille, ma propre fille, entrant dans la cour de cette communauté, au sortir de la rue… et souriant ! souriant !… au bras d’un… Ô mon Dieu !… au bras d’une livrée de misère. »

L’infortuné Doyen fit cet allusion à l’habit antédiluvien d’une voix si émue qu’on eut peine à l’entendre, en brandissant la main qui étreignait le mouchoir. Peut-être eût-il trouvé d’autres paroles pour exprimer sa douleur sans un coup, déjà deux fois répété, qu’on venait de frapper à la porte et auquel Fanny (qui déclarait toujours qu’elle voudrait être morte et qui ajoutait même qu’elle ne serait pas fâchée d’être enterrée), répondit :

« Entrez !