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du poignet et fit semblant de chercher sur le revers de la main ce qu’il pouvait y avoir derrière lui.

« Est-ce quelque chose de mauvais ? demanda la petite Dorrit en souriant.

— Du tout, du tout ! fit Pancks. Qu’est-ce que vous pensez que ça peut valoir ?

— C’est moi qui devrais vous le demander. Je ne suis pas une diseuse de bonne aventure.

— C’est juste. Qu’est-ce que cela vaut ? Qui vivra verra, mademoiselle Dorrit. »

Lâchant la main petit à petit, il passa tous ses doigts à travers les fourchons de sa chevelure qui se redressèrent et prirent leur aspect le plus menaçant, puis il répéta lentement :

« Rappelez-vous ce que je vous dis, mademoiselle Dorrit : Qui vivra verra. »

Elle ne put s’empêcher de montrer combien elle était étonnée de le voir si bien informé de ce qui la concernait.

« Ah ! justement ! s’écria Pancks, désignant la jeune fille avec le doigt. Pas de cela, mademoiselle Dorrit… jamais ! »

Plus surprise qu’auparavant et un peu plus étonnée, elle le regarda comme pour lui demander l’explication de ses dernières paroles.

« Pas de ça, répéta Pancks, prenant du plus grand sérieux des airs d’étonnement, passablement grotesques, malgré lui. Ne faites jamais comme ça en me voyant, n’importe où, n’importe comment. Ni vu ni connu : ne me parlez pas. N’ayez pas l’air de me connaître. Est-ce convenu, mademoiselle Dorrit ?

— Je sais à peine que répondre, répliqua la petite Dorrit, surprise au dernier point. Pourquoi me demandez-vous cela ?

— Parce que je suis un diseur de bonne aventure, Pancks le bohémien. Je ne vous ai pas encore appris, mademoiselle Dorrit, ce que je vois derrière moi sur cette petite main. Je vous ai dit : Qui vivra verra. Est-ce convenu mademoiselle Dorrit ?

— Convenu que je… ne…

— Que vous n’aurez pas l’air de me connaître en dehors de cette maison, à moins que je ne commence : et que vous ne remarquerez pas mes allées et venues. C’est bien facile. Vous ne perdrez pas grand’chose à ne pas faire attention à moi, car je ne suis pas beau, je ne sais pas me rendre agréable en société, je ne suis que le factotum de mon propriétaire. Vous vous contenterez de penser en vous-même : « Ah ! voilà Pancks le bohémien, qui va dire la bonne aventure… il me dira la fin de la mienne un jour… » Qui vivra verra. Est-ce convenu, mademoiselle Dorrit ?

— Oui, balbutia la petite Dorrit, qu’il avait fort troublée. Je le veux bien, tant que vous ne ferez pas de mal.

— Bon ! » M. Pancks dirigea un coup d’œil vers le mur de la chambre voisine, et se pencha vers l’oreille de la jeune fille pour lui dire : « C’est une excellente femme, et qui ne manque pas de qualités, mais irréfléchie et bavarde. »