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comment parviendrons-nous jamais à redescendre sans un de ces appareils à l’usage des pompiers dans les incendies ? Et la tante de M. Finching qui a glissé entre les marches et s’est meurtrie partout ! Et dire que vous voilà dans les machines et la fonderie sans jamais avoir daigné nous en prévenir ! »

Ainsi parla Flora tout essoufflée, pendant que la tante de M. Finching frottait ses estimables chevilles avec le bout de son parapluie en lançant dans le vide des regards vindicatifs.

« C’est bien mal de votre part de n’être jamais venu nous revoir depuis votre visite de retour, bien que nous ne pussions pas naturellement nous attendre à ce que notre maison eût encore quelque attrait pour vous et qu’il soit bien évident que vous passez votre temps plus agréablement ailleurs… À propos est-elle brune ou blonde ? a-t-elle des yeux bleus ou noirs ? je ne serais pas fâchée de le savoir. Dans tous les cas, je suis bien sûre d’avance qu’elle doit former avec moi un contraste frappant sous tous les rapports, car je ne suis bonne qu’à faire une déception ; je le sais parfaitement bien, et vous avez sans doute mille fois raison de lui être dévoué de cœur… mais qu’est-ce que je dis ? Arthur, n’y faites pas attention : je ne sais pas moi-même ce que je veux dire, ma parole d’honneur ! »

Clennam avança des chaises pour les deux dames : Flora se laissa tomber sur la sienne, en décochant contre Arthur une de ses œillades d’autrefois.

« Et penser que vous voilà devenu Doyce et Clennam ! continua l’intarissable Flora ; qui donc peut être ce Doyce ? un homme charmant sans doute ? peut-être marié ? ou peut-être a-t-il une fille ? franchement n’en a-t-il pas une ? Alors l’association se comprend, on devine tout ; au reste je ne vous demande pas de confidence : je sais bien que je n’ai plus aucun droit de vous adresser ces questions, il y a si longtemps que la chaîne d’or, jadis forgée pour nous, est rompue ! et cela devait être. »

Flora posa tendrement la main sur celle d’Arthur et tira de son vieux carquois encore une des œillades de sa jeunesse.

« Cher Arthur… ce que c’est que la force de l’habitude ! M. Clennam serait, de toutes manières, plus délicat et mieux adapté aux circonstances actuelles… je dois vous prier d’excuser la liberté que j’ai prise de venir vous déranger, mais j’ai pensé qu’un passé à jamais flétri pour ne plus refleurir m’autorisait à me présenter ici avec la tante de M. Finching pour vous offrir mes félicitations et mes vœux. Cela vaut beaucoup mieux que la Chine, assurément : c’est beaucoup plus près, sans compter que cela vous met dans une position beaucoup plus élevée !

— Je suis très heureux de vous voir, dit Clennam, et je vous remercie bien sincèrement, Flora, de votre bon souvenir.

— Je ne puis toujours pas vous en dire autant, répondit Flora, car j’aurais pu être morte et enterrée vingt bonnes fois, à de longs intervalles, avant que vous eussiez réellement songé à moi ou à