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dans le wagon des bêtes, et aux jambes du conducteur qui est venu le faire sortir. Une fois là-bas, notre homme a rassemblé une demi-douzaine d’individus dans une grange avec une bonne provision de rats, et compté combien le chien mettait de temps à les happer. Voyant que le chien s’en tirait on ne peut mieux, il a organisé un combat et parié des sommes folles pour le chien. Mais voilà qu’au jour dit on a graissé la patte du garde, mon cher ; il aura grisé la bête, et le maître de la bête a été refait : il ne lui est pas resté un penny.

— M. Wobbler ? » demanda le solliciteur.

Le gentleman qui étendait la marmelade répondit sans lever les yeux : « Comment se nomme le chien ?

Charmant, répliqua l’autre ; son maître prétend qu’il ressemblait étonnamment à la vieille tante dont il compte hériter… surtout quand elle est ivre.

— M. Wobbler ? » répéta le solliciteur.

Les deux gentlemen restèrent quelques minutes à rire. Le gentleman au fusil, trouvant après inspection que le canon avait un éclat satisfaisant, demanda l’avis de son collègue ; confirmé par celui-ci dans son opinion, il remit cette partie de l’arme à sa place dans la boîte qui se trouvait devant lui, prit la crosse et commença à la polir, sifflant à mi-voix.

« M. Wobbler ? redemanda le solliciteur.

— Qu’est-ce qu’il y a ? dit alors M. Wobbler, la bouche pleine.

— Je veux savoir… » Et Arthur Clennam expliqua machinalement ce qu’il voulait.

« Peux pas vous dire, remarqua M. Wobbler, qui semblait adresser la parole à sa tartine ; n’en al jamais entendu parler ; ça ne me regarde pas. Demandez à M. Clive, seconde porte à gauche, dans le couloir voisin.

— Peut-être me fera-t-il la même réponse.

— Probablement. N’en sais rien, » répliqua M. Wobbler.

Le solliciteur s’éloigna, et il était déjà dans le corridor lorsque le gentleman au fusil lui cria :

« Eh ! m’sieur ! Eh là-bas ! »

Le solliciteur revint.

« Fermez donc votre porte : vous nous envoyez un satané courant d’air ! »

M. Clennam n’eut que quelques pas à faire pour arriver à la seconde porte à droite dans le couloir voisin. Dans ce bureau-là il trouva trois employés : numéro un n’avait pas grand’chose à faire ; numéro deux se croisait les bras ; numéro trois regardait par la fenêtre en bâillant. Ils semblaient néanmoins prendre une part plus directe que les autres dans l’exécution efficace du grand principe de ce ministère, car il y avait là une imposante porte à deux battants, qui communiquait avec un appartement intérieur où les chefs du bureau des Circonlocutions paraissaient tenir conseil, d’où il sortait