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reizer. — Que vous disais-je toujours autrefois, quand nous étions dans les montagnes ? Elles nous paraissaient immenses, mais le monde est petit, si petit qu’on ne peut jamais y vivre longtemps, éloignés les uns des autres. Il y a si peu de monde en ce monde qu’on s’y croise et s’y recroise sans cesse. Le monde est si petit que nous ne pouvons nous débarrasser de ceux qui nous gênent… Ce n’est pas qu’on puisse jamais désirer se débarrasser de vous.

— J’espère que non, Monsieur Obenreizer.

— Je vous en prie, dans votre pays, appelez-moi : Mister. Je ne me fais jamais nommer autrement par amour de l’Angleterre. Ah ! que ne suis-je Anglais ! Mais, je suis montagnard. Et vous ? Bien que descendant d’une famille distinguée, vous avez consenti à vous mettre dans le commerce. Mais, pardon, est-ce que je m’exprime bien ? Les vins ! cher monsieur, les vins ! En Angleterre, est-ce un commerce ou une profession ? Sûrement, ce n’est pas un art.

— Monsieur Obenreizer, — reprit Vendale embarrassé, — j’étais un jeune garçon bien neuf, à peine majeur, quand j’ai eu pour la première fois le plaisir de voyager avec vous, et avec mademoiselle votre nièce… qui se porte bien ?

— Très-bien !

— Nous courûmes ensemble quelques petits dangers dans les glaciers. Si, à cette époque, avec une vanité d’enfant, je vantai quelque peu ma famille, j’espère ne l’avoir fait qu’autant que cela était nécessaire pour me présenter à vous sous des couleurs plus avantageuses. C’était une petitesse et une chose