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gera point la vérité des choses. Il n’en est pas moins vrai que je suis en possession d’un bien qui ne m’appartient pas.

— Peut-être est-il mort, lui… — dit Vendale.

— Mais peut-être aussi est-il vivant ? — s’écria Wilding. — Et s’il vit, ne l’ai-je pas innocemment, il est vrai, mais ne l’ai-je pas assez volé ? Ne lui ai-je pas ravi d’abord tout l’heureux temps dont j’ai joui à sa place ? Ne lui ai-je pas dérobé le bonheur exquis, ce ravissement céleste qui m’a rempli l’âme, quand cette chère femme m’a dit : « Je suis ta mère ? » Ne lui ai-je pas pris tous les soins qu’elle m’a prodigués ? Ne l’ai-je pas privé du doux plaisir de faire son devoir envers elle et de lui rendre son dévouement et sa tendresse ?… Ah ! sous quels cieux, George Vendale, sous quels cieux vit-il à présent, celui envers qui je suis si coupable ?… Que peut-il être devenu ?… Où est celui que j’ai volé ?…

— Qui le sait ? — murmura George.

— Qui me le dira ? Qui me donnera quelque moyen de diriger mes recherches ? Savez-vous bien que ces recherches je dois les commencer sans perdre un jour. Désormais je vivrai des intérêts de ma part… je devrais dire de sa part… dans cette maison ; le capital, je le placerai pour lui, il se peut, si je le retrouve, que je sois forcé de m’en remettre à sa générosité pour assurer mon avenir… mais je lui rendrai tout. Je ferai cela, je le ferai aussi vrai que je l’ai aimée, honorée, elle, de tout mon cœur, de toutes mes forces.

En même temps, il envoyait un baiser respectueux