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aisément, abandonné comme je l’étais, un petit voleur ou un petit vagabond. » Dieu le protégea sans doute, mais il se défendit bravement lui-même contre les mauvais exemples. Bien qu’il n’eût jamais laissé soupçonner à ses camarades, fût-ce par un mot, qu’il était né dans une condition plus élevée que la leur, il se distinguait par sa conduite et ses manières, de telle sorte que ces gens grossiers lui témoignaient une déférence involontaire, l’appelant toujours le petit monsieur. Un contre-maître, du nom de Thomas, qui avait été soldat, et un charretier appelé Harry osaient seuls l’interpeller quelquefois par son nom de Charles, mais ce n’était que dans les moments d’effusion, quand il les avait charmés, durant leur besogne, par ses réminiscences des lectures d’autrefois. Poll Green voulut un jour protester contre l’appellation de petit monsieur, mais Bob Fagin, un grand et fort gaillard, le remit à sa place. En se montrant paresseux ou dédaigneux du travail qui lui était attribué, Charles ne se fût attiré que des moqueries ; il tint très sagement à se faire estimer en accomplissant au contraire ce travail mieux que personne. Il y avait assaut d’adresse et de dextérité entre Bob Fagin et lui, à qui couvrirait le plus de pots de cirage en cinq minutes. Son abaissement lui était cependant très douloureux, d’autant qu’il avait perdu tout espoir d’en sortir ;