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— Vous êtes la mère de Polly ?

— Oui. »

Oui, en effet ! Polly elle-même pourrait en arriver là un jour. Comme les pétales flétris laissent deviner ce que fut la rose, comme les branches dénudées par l’hiver font souvenir de la verte parure des bois ; peut-être un jour pourrait-on aussi reconnaître Polly dans une pauvre créature usée et vieillie, semblable à celle qui se tenait humblement sur le seuil. Il avait devant lui l’ombre du passé, la fiancée qu’il avait perdue et qu’il revoyait d’une façon si imprévue, après tant de tristes mois écoulés, avec des traits flétris et des cheveux gris ! La constance de ses pensées avait été telle, le temps avait si bien épargné cette image du passé dans son souvenir fidèle, que lorsqu’il vit avec quelle main brutale il s’était en réalité appesanti sur l’infortunée, il se sentit soudain pénétré de surprise et de compassion. Après l’avoir conduite à un siège, il resta debout contre la cheminée, la tête appuyée sur sa main et le visage à demi détourné.

« M’aviez-vous donc vu dans la rue et m’aviez-vous montré à votre enfant ? lui demanda-t-il.

— Oui.

— Quoi ! cette petite créature est-elle donc complice de l’artifice !