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L’AMI COMMUN.

je ne suis bonne à rien ; je veux vous prouver le contraire, c’est moi qui ferai le dîner.

— Impossible, dit la noble mère ; je ne permettrai pas que vous fassiez la cuisine avec une pareille toilette.

— Ma toilette, reprend gaiement Bella en fouillant dans un tiroir, je vais la couvrir du haut en bas ; un tablier fera l’affaire, avec une serviette pour le corsage ; quant à la permission, je vous déclare que je m’en passe.

— Faire la cuisine maintenant, Bella ! vous qui ne l’avez jamais faite quand vous étiez ici !

— Oui, Ma, je ne l’ai jamais faite, et je vais la faire. »

Elle attache son tablier, prend des épingles, se fait une bavette qui lui arrive au menton, comme si, la prenant par le cou, la toile voulait l’embrasser. Rien de plus charmant que ce menton et ces joues à fossette au-dessus de la toile blanche ; et derrière celle-ci, le corsage ne l’est pas moins. « À présent, dit-elle en prenant ses cheveux à deux mains, et en les éloignant de son front, par où faut-il commencer ?

— D’abord, répond missis Wilfer d’un ton solennel, il faut, si vous persistez dans une résolution que je regarde comme entièrement incompatible avec l’équipage dans lequel vous êtes venue…

— Je persiste, Ma.

— Il faut d’abord mettre les poulets au feu.

— Certes, dit Bella ; et qui plus est, il faut les enfariner, les embrocher et les faire tourner. Voyez comme cela va bien ! ajoute-t-elle en imprimant à son rôti une allure rapide. Après, Ma ?

— Après, dit la noble dame qui agite ses gants pour protester contre cette usurpation du sceptre culinaire, je vous recommanderai de voir si le lard qui est dans la poêle est suffisamment revenu, et si les pommes de terre sont cuites, ce dont vous vous assurerez en y enfonçant une fourchette. Enfin, il faudra s’occuper des légumes, si toutefois vous persistez dans cette conduite peu séante.

— Oui, Ma, je persiste. » Et Bella pense à une chose, oublie l’autre, s’occupe de cette autre, oublie la troisième, se la rappelle tout à coup, est distraite par la quatrième, et, à chacune de ces fautes, imprime aux malheureux poulets un tour plus vif qui rend leur cuisson très-chanceuse. Mais c’est bien amusant de cuisiner.

Pendant ce temps-là, miss Lavvy met la table, et va de la cuisine à la salle à manger. Toujours mécontente, lorsqu’il faut s’occuper du ménage, elle remplit cet office avec autant de brus-