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L’AMI COMMUN.

sur le bras de la petite habilleuse. « Oh ! mon œil ! reprit-il en se débattant de nouveau ; c’est du tabac — oh ! mon œil ! — avec du sel. Plein le nez, et plein la gorge ! Hough ! hohou ! hohou ! A… a… ah ! a… a… ah ! »

Et se prenant à glousser d’une manière effrayante, les yeux sortis de la tête, il parut en proie à quelque maladie mortelle pour les volailles. « Oh ! que cela me fait mal ! s’écria-t-il en se mettant à plat ventre par un mouvement convulsif, qui fit reculer miss Wren jusqu’à la muraille. Oh ! que cela me cuit, et que cela m’élance ! Mettez-moi quelque chose sur le dos, sur les bras, sur les jambes — heugh ! plein la gorge, et cela ne veut pas remonter ! hoohou, hoohou, hou ! a… a… a… ah ! Oh ! que cela me cuit ! »

Il se releva d’un bond, se recoucha brusquement, et se roula de plus belle. Arrivé dans un coin, les babouches en l’air, il redemanda à boire, et pria Jenny de lui frapper dans le dos. Mais au premier coup il jeta un cri perçant. « Oh ! finissez ; ne me touchez pas ! j’ai le dos meurtri ; c’est au vif. — Oh ! que cela m’élance ! »

Cependant il cessa peu à peu d’étrangler, et dit à la petite habilleuse de le conduire à un fauteuil, où les yeux rouges et larmoyants, la figure enflée et marbrée d’une demi-douzaine de raies livides, il présenta le plus triste aspect.

« Quelle idée avez-vous eue, jeune homme, d’avaler du sel et du tabac ? demanda miss Wren.

— Ce n’est pas moi, répliqua le malheureux ; c’est lui, le bourreau ! — Oh ! mon œil ! — ce Lammle. Il m’en a fourré plein la bouche, puis dans le nez, dans les yeux, dans la gorge — hooohou, hooohou, heugh, — pour m’empêcher de crier ; et puis il m’a frappé.

— Avec cela ? demanda Jenny en lui montrant les morceaux de la canne.

— Oui — son arme — il me l’a cassée sur le dos. Ah ! que cela me cuit ! Où avez-vous trouvé cela ?

— Quand il est venu rejoindre la dame qui l’attendait au bas de l’escalier, commença miss Wren.

— Oh ! s’écria Fledgeby, en se tordant, elle en était ; j’aurais dû le savoir.

— Quand il eut repris son chapeau qu’elle lui gardait, continua la petite habilleuse, il me donna ces petits bâtons pour vous les remettre, avec ses compliments ; et me chargea de vous dire que c’était de la part de mister Alfred Lammle, qui, de ce pas, quittait l’Angleterre. »

Miss Wren articula ces paroles avec une joie maligne, et les