Page:Dickens - L'Ami commun, traduction Loreau, 1885, volume 2.djvu/262

Cette page a été validée par deux contributeurs.
258
L’AMI COMMUN.

— Du lait coupé, n’est-ce pas ? répondit Wegg d’une langue épaissie par la quantité de rhum qui l’avait chatouillée. Il est sous ma surveillance, et je le surveillerai jusque dans sa maison :

Sur toute la ligne le signal a couru ;
Et l’Angleterre attend
De l’homme ici présent
Qu’il veille à ce que Boffin dans le devoir soit maintenu.

Je vais vous reconduire, Boffin. »

Ce dernier quitta sa chaise, prit affectueusement congé de Vénus ; et cheminant côte à côte, surveillant et surveillé gagnèrent l’hôtel Boffin. Le vieux boueur souhaita le bonsoir à son gardien, tira sa clef, rentra chez lui et referma doucement la porte. Mais Silas avait besoin de s’affirmer de nouveau sa toute-puissance.

« Bof-fin ! dit-il par le trou de la serrure.

— Que voulez-vous, Silas ? fut-il répondu par le même canal.

— Vous voir encore une fois ; sortez. »

Le boueur obéit.

« Rentrez, dit Wegg en lui faisant la grimace ; et allez vous coucher. »

Il avait à peine refermé la porte que mister Wegg l’appelait encore : « Bof-fin !

— Que voulez-vous, Silas ? »

Cette fois Silas ne daigna pas répondre, mais se donna le plaisir de tourner une meule invisible devant le trou de la serrure, derrière lequel mister Boffin prêtait l’oreille. Puis il ricana tout bas, et reprit le chemin du Bower.


IV

MARIAGE CLANDESTIN


Un matin, de fort bonne heure, ayant devant lui un jour de congé, Pa-Chérubin quitte aussi doucement que possible le côté de la majestueuse Ma. Il est attendu par la jolie femme ; mais non pour sortir avec elle. Bella, qui était debout avant quatre heures, n’a pas même son chapeau ; elle est assise au bas de l’escalier, et paraît n’avoir d’autre but que de faire partir le Chérubin.