Missis Boffin pleurait de tout son cœur et la couvrait de baisers, en l’appelant sa chère fille ; mais elle n’ajouta pas un mot à cette parole qu’elle répéta mainte et mainte fois. Bella finit par s’éloigner d’elle ; et toujours en larmes, allait sortir de la chambre, lorsque, par un de ces retours affectueux qui lui étaient particuliers, elle se rapprocha de mister Boffin. « Je suis contente, monsieur, de vous avoir dit des injures, balbutia-t-elle avec des sanglots dans la voix, car vous les méritez bien ; mais je vous ai vu si bon, que je le regrette de tout mon cœur. Voulez-vous me dire adieu ? »
Il le fit d’une voix brève.
« Si je savais laquelle de vos mains est la moins gâtée, je vous demanderais la permission de la serrer une dernière fois ; mais non pour que vous me pardonniez mes paroles, car je ne m’en repens pas.
— Prenez celle-ci, dit mister Boffin en lui tendant la main gauche d’un air abasourdi, c’est elle qui sert le moins.
— Vous avez été excellent pour moi, monsieur, et je la baise en souvenir de vos bontés ; mais vous avez été aussi mauvais que possible pour mister Rokesmith, et je la repousse à cause de cela. Adieu, monsieur ; et merci pour mon compte.
— Adieu, » répéta mister Boffin.
Elle lui sauta au cou, l’embrassa de tout son cœur, et se sauva en courant. Arrivée dans sa chambre, elle s’assit par terre et pleura à chaudes larmes ; mais le jour baissait, il n’y avait pas de temps à perdre. Elle ouvrit tous les meubles, choisit, parmi ses effets, ceux qu’elle avait apportés de chez son père, et en fit un paquet mal tourné, qu’on lui enverrait plus tard. « Je ne veux pas des autres, dit-elle en serrant les nœuds avec force. Laissons tous les cadeaux, et commençons une vie nouvelle. »
Afin de mettre cette résolution en pratique, elle se déshabilla et prit la robe qu’elle portait le jour où elle avait quitté sa famille ; puis elle se coiffa du petit chapeau avec lequel elle était montée dans la voiture de mister Boffin en sortant de chez son père. « Me voilà au complet, dit-elle ; c’est un peu dur ; mais il ne faut pas pleurer. Bonne petite chambre ! tu m’as été bien douce ; adieu ; je ne te reverrai plus. »
Elle lui envoya un baiser du bout des doigts, ferma doucement la porte, descendit légèrement l’escalier, s’arrêtant de distance en distance ; et prêtant l’oreille, afin d’éviter toute rencontre, elle gagna le vestibule sans avoir vu personne.
La chambre qu’avait occupée le secrétaire était ouverte ; elle y jeta un regard en passant et, ne voyant sur la table aucun