Page:Dickens - L'Ami commun, traduction Loreau, 1885, volume 2.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.
165
L’AMI COMMUN.

tains oiseaux nocturnes, rentrant au gîte, se réconfortaient chacun à sa manière ; et où, du premier coup d’œil, personne ne manqua de voir dans cet arrivant, au plumage respectable, le pire de tous les oiseaux de nuit qui étaient dans la salle fangeuse.

Une tendresse subite pour un charretier en ribote, qui suivait la même route que lui, valut à Riderhood de pouvoir se percher sur un tas de paniers amoncelés dans une charrette, et de continuer son voyage étendu sur le dos avec son paquet pour oreiller.

Bradley revint sur ses pas, retraversa des rues peu fréquentées, et regagna son pensionnat.

Le soleil, en montant sur l’horizon, le retrouva méthodiquement peigné, lavé, brossé ; méthodiquement vêtu : habit et gilet noirs décents, pantalon décent poivre et sel ; col de satin noir, à nœud décent, montre d’argent dans le gousset, chaîne de crin autour du cou : veneur scolastique en habit de chasse, entouré de sa meute glapissante et aboyante. Et, plus réellement ensorcelé que ces malheureux, qui, en des temps fort regrettés de nos jours, s’accusaient, sous l’influence inspiratrice de la torture, d’impossibilités démoniaques, il avait été surmené toute la nuit, éperonné, fouaillé, mis en nage par l’esprit infernal. Si la narration du sport dont il avait été l’objet avait pris la place des textes de l’Écriture, dont les paroles se voyaient sur les murs de la classe, les plus avancés d’entre les élèves, saisis d’épouvante, auraient fui leur malheureux maître.


XII

COMBINAISON


Le soleil montant toujours s’épancha sur toute la ville, et, dans son impartialité radieuse, condescendit à parsemer d’étincelles multicolores les favoris de mister Lammle, qui en ce moment déjeunait. Ce cher Alfred avait grand besoin qu’un rayon extérieur le brillantât quelque peu, car il paraissait bien terne et avait l’air très-mécontent.

Missis Lammle était vis-à-vis de son seigneur et maître. Les