Page:Dickens - L'Ami commun, traduction Loreau, 1885, volume 1.djvu/308

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

de nommer ce personnage, le domestique avait fait une pause décente, pour exprimer que ce nom incongru avait été imposé à sa répugnance par le jeune homme en question, et que si ledit jeune homme avait eu le bon sens et le bon goût d’hériter d’un autre nom il aurait épargné une rude épreuve à la délicatesse du porteur.

« Faites-le entrer, répondit le secrétaire, missis Boffin sera enchantée de le voir. »

On introduisit Salop qui resta près de la porte, révélant à divers endroits de sa personne des boutons aussi nombreux qu’incompréhensibles.

« Je suis bien aise que vous soyez venu, dit Rokesmith, je vous attendais tous les jours. »

Salop expliqua que ce n’était pas l’envie de venir qui lui avait manqué, mais que Johnny étant malade, il avait attendu pour apporter de bonnes nouvelles.

« En ce cas il va mieux ? reprit le secrétaire.

— Non, répondit Salop. » Il secoua fortement la tête, puis exprima cette opinion que l’orphelin avait dû l’attraper des minders. Questionné à cet égard, il répondit que ça lui était venu sur tout le corps et particulièrement sur la poitrine. Pressé de s’expliquer, il raconta qu’il y en avait par endroit que l’on ne couvrirait pas avec une pièce de six pence. Interrogé sur le nom de la maladie, il répliqua que c’était aussi rouge que tout ce qu’il y avait de plus rouge, mais qu’il n’y avait pas de mal à ça, car il fallait que ça fût dehors, et qu’il y aurait du malheur si ça venait à rentrer.

Rokesmith espérait qu’on avait eu recours au médecin. Effectivement, on avait porté Johnny au docteur. « Et qu’a dit celui-ci ? » Réflexion prolongée du pauvre Salop.

« N’est-ce pas la rougeole ? demanda le secrétaire. » Non, c’est quelque chose de plus long que ça, répondit l’autre, qui parut considérer le fait comme honorable pour lui, et pour le petit malade.

« Cela va désoler missis Boffin, reprit le secrétaire.

— Missis Higden l’a bien dit ; c’est pour ça qu’elle m’a pas envoyé, espérant toujours que l’enfant se remettrait.

— Il guérira, je l’espère bien, dit Rokesmith en se retournant.

— Moi aussi ; mais ça dépendra ; il ne faut pas que ça vienne à rentrer. »

Et continuant d’exposer le fait, Salop répéta qu’il ignorait si Johnny l’avait gagné des minders, ou si les minders l’avaient gagné de Johnny. On avait pourtant renvoyé les minders chez eux ; mais ils avaient tout de même été malades. Missis Higden ne faisait pas autre chose que de s’occuper de Johnny, et l’avait