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Il n’est pas étonnant que le pauvre Twemlow refuse d’infliger une lettre à son noble cousin. Celui-ci, qui est goutteux de caractère ainsi que de tempérament, et dont le vieux gentleman reçoit la petite rente qui le fait vivre, en exige les intérêts avec une extrême rigueur. Chaque fois que Twemlow visite Sa Seigneurie, elle le soumet à une espèce de loi martiale, lui ordonne d’accrocher son chapeau à certaine patère, de s’asseoir sur une certaine chaise, de parler de certains sujets, à certaines gens, et de se livrer à certains exercices, tels que de chanter les louanges du vernis de la famille (sans parler des tableaux), et de s’abstenir des vins précieux, à moins qu’on ne l’invite formellement à en boire.

« Toutefois je peux faire une chose, dit Twemlow, je peux agir. » Vénéering lui serre de nouveau les mains et lui rend grâces.

« Je vais aller au club, poursuit le gentleman, dont l’esprit s’échauffe. Voyons un peu, quelle heure est-il ?

— Onze heures moins vingt.

— Je serai là-bas à midi moins dix, et n’en sortirai pas de la journée.

— Merci mille fois, s’écrie Vénéering, qui sent ses amis se rallier autour de lui. Je savais que je pouvais compter sur vous. Je l’ai dit à Anastasia au moment de partir ; car, mon cher Twemlow, vous êtes le premier que j’aie voulu voir dans cette occasion. J’ai dit à missis Vénéering : Il faut agir.

— Vous avez eu raison, grandement raison, répond Twemlow. Dites-moi : agit-elle ?

— De toutes ses forces, réplique Vénéering.

— Parfait ! s’écrie Twemlow en petit gentleman galant ; le tact d’une femme est inappréciable. Avoir le beau sexe pour nous, c’est être sûr de la victoire.

— Mais vous ne m’avez pas dit, reprend Vénéering, ce que vous pensez de mon entrée au parlement ?

— Je pense, dit Twemlow d’une voix émue, que c’est le premier club de Londres. »

Vénéering lui rend grâces de nouveau, en lui pressant les mains. Il plonge au bas de l’escalier, s’élance dans son cab, et dit au cocher de fondre vers la Cité, au mépris de la sécurité publique.

Twemlow, pendant ce temps-là, rabat sa chevelure, et l’arrange de son mieux, ce qui n’est pas beaucoup dire ; après l’application de ces matières glutineuses, elle devient rétive, et présente une croûte qui lui donne un faux air de pâtisserie. Twemlow arrive cependant au club à l’heure dite. Il s’assure d’une large fenêtre, prend tout ce qu’il faut pour écrire, saisit tous les journaux ; et s’établit à ce poste inamovible de façon à