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jusqu’au retour de Lizzie. Seule personne de la famille qui fût digne de confiance, elle avait été promue, dès le bas âge, à la dignité de maîtresse de maison.

« Eh ! bien, Lizzie-Mizzie-Wizzie, dit la petite créature en interrompant ses chants, quelles nouvelles au dehors ?

— Et au dedans, quelles nouvelles ? reprit la jeune fille en lissant les cheveux qui ruisselaient à profusion de la tête de son amie.

— Laissez-moi voir, comme dit l’aveugle, répondit la petite personne. La dernière nouvelle c’est que je n’épouserai pas votre frère.

— Vraiment ?

— N-non, dit-elle en secouant la tête et le menton ; ce garçon-là ne me plaît pas.

— Et son maître, qu’en dites-vous ?

— Je dis que je crois qu’il est bien ce qu’il paraît ? »

Lizzie arrangea les beaux cheveux sur les épaules contrefaites ; puis elle alluma la chandelle. On vit alors un petit parloir sombre, mais propre et rangé avec soin. La jeune fille posa la lumière sur la cheminée, loin des yeux de la petite personne. Elle ouvrit la porte de la chambre, celle de la maison, et mit le petit fauteuil en face de la rue. Toutes les fois qu’il faisait beau, cet arrangement avait lieu, après la journée faite. Pour le compléter Lizzie vint s’asseoir tout près du petit fauteuil, et s’empara affectueusement de la petite main décharnée qui se hissait pour lui atteindre le bras.

« Voilà le meilleur instant pour la Jenny qui vous aime, » dit la petite créature. Elle s’appelait Fanny Cleaver de son vrai nom ; mais elle l’avait remplacé par celui de Jenny Wren.

« Aujourd’hui, poursuivit-elle, je me disais, tout en travaillant, combien je serais heureuse de vous garder jusqu’à mon mariage, au moins jusqu’à ce que j’aie un prétendu. Il ne pourra pas me coiffer, ni me monter dans ma chambre, ni me soigner, ni rien faire aussi bien que ma Lizzie ; mais il reportera mon ouvrage et m’en ira chercher. Ah ! je le ferai trotter, je vous le promets. »

La petite personne avait bonne opinion d’elle-même, fort heureusement pour elle ; et rien, dans son esprit, n’était plus arrêté que les épreuves et les tourments qu’elle ferait subir à son mari.

« N’importe où il puisse être maintenant, et quoi qu’il fasse, je connais ses ruses et ses manières, continua Jenny Wren. Qu’il y prenne garde ! je l’avertis de bien se tenir.

— N’êtes-vous pas un peu dure pour lui ? demanda la jeune fille en souriant, et en lui lissant les cheveux.

— Non, répondit la petite miss d’un air expérimenté ; si vous