Page:Dickens - L'Ami commun, traduction Loreau, 1885, volume 1.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la maison, est trop bien élevé, j’en suis sûre, pour s’interposer dans ce débat sur une pareille invitation. »

Cet éloge poussa l’honnête mistress Boffin à se repentir du jugement un peu sévère qu’elle avait porté sur ce jeune homme, et à réparer sa faute en disant qu’elle serait enchantée, ainsi que mister Boffin, de recevoir mister George Sampson toutes les fois qu’il lui serait agréable de venir chez eux. Procédé auquel ce gentleman répondit élégamment, sans ôter son bouchon :

« Très-obligé, mais impossible ; tous mes jours sont pris, ainsi que toutes mes soirées. »

La charmante Bella néanmoins compensa tous ces déboires par la manière dont elle accueillit les avances des Boffin. Conséquemment, les deux époux, très-satisfaits de leur démarche, annoncèrent à ladite Bella qu’ils reviendraient aussitôt qu’ils seraient en mesure de la recevoir selon leur désir, et qu’ils la préviendraient de leur visite. Cet arrangement fut sanctionné par un signe de tête de mistress Wilfer, qui agita ses mains gantées comme pour dire : On passera par-dessus vos défauts, pauvres gens, et vous serez gratifiés de notre indulgence.

« À propos, ma’ame, dit Boffin en se retournant, il paraît que vous avez un locataire ?

— Un gentleman, reprit mistress Wilfer, choquée de la vulgarité de l’expression ; oui, monsieur, un gentleman occupe notre premier étage.

— Je peux dire que c’est un ami commun, poursuivit mister Boffin. Quel homme est-ce que notre ami ? En êtes-vous contente ?

— Mister Rokesmith est fort tranquille, très-ponctuel ; toutes les qualités qu’on peut désirer chez un hôte.

— C’est que, voyez-vous, expliqua Boffin, je n’ai vu notre ami qu’une fois, et je ne le connais pas particulièrement. Ainsi vous en rendez bon témoignage ? Est-il chez lui ?

— Oui, monsieur, répondit mistress Wilfer. Tenez, je le vois là-bas, à la porte du jardin ; il paraît même vous attendre.

— C’est possible, répondit le brave homme ; il m’aura vu entrer. »

Ce court dialogue avait été suivi attentivement par Bella, qui, tout en reconduisant mistress Boffin, écouta le reste avec non moins d’attention.

« Comment vous portez-vous depuis tantôt ? dit le bonhomme ; voilà missis Boffin. Ma chère, c’est mister Rokesmith, le gentleman dont je t’ai parlé. »

Mistress Boffin souhaita le bonjour au gentleman, qui s’avança, lui donna la main pour la faire monter en voiture, et l’aida à s’asseoir avec autant d’adresse que d’aisance.