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Enfin, voudrez-vous bien avoir la bonté de l’accompagner et de vous tenir prêt à la rejoindre quand elle va partir ? Je vous remercie mille fois ; vous soulagez mon cœur, elle ne me paraîtra pas aussi abandonnée. Vous ne sauriez croire combien je vous suis reconnaissante et combien je suis persuadée de votre bonne amitié. »

Florence, dans l’ardeur de sa reconnaissance, le remercia mille et mille fois ; et M. Toots, dans l’ardeur de son bonheur, s’éloigna bien vite, mais à reculons pour ne pas la perdre de vue.

Florence n’eut pas le courage de sortir quand elle vit la pauvre Suzanne dans le vestibule, poussée par Mme Pipchin et caressée par Diogène. Le chien sautait après Suzanne et causait une mortelle frayeur à Mme Pipchin en s’attaquant à ses jupons d’alépine noire et en grondant avec colère au son de sa voix. Il faut dire qu’il détestait la duègne de tout son cœur. Florence vit Suzanne donner la main à tous les domestiques et se retourner une dernière fois pour regarder son ancienne demeure. Elle vit Diogène s’élancer après le cab comme pour le suivre : il avait l’air de ne pas pouvoir se fourrer dans la tête qu’il n’y eût pas de place pour lui dans la voiture. La porte se referma, le bruit cessa, et Florence pleura sincèrement la perte d’une vieille amie que personne ne pourrait remplacer, non, personne, personne.

M. Toots, fidèle et dévoué cavalier, arrêta le cabriolet en un clin d’œil et fit part à Suzanne Nipper de sa commission. Celle-ci se mit à pleurer plus encore qu’auparavant. « Sur mon âme, dit M. Toots en s’asseyant à côté d’elle, je comprends votre peine ; sur mon honneur, il me semble que vous ne pouvez pas avoir de plus grands chagrins que ceux que je me figure. Je ne puis rien concevoir de plus affreux que d’être forcé de quitter miss Dombey.

Suzanne s’abandonna de nouveau à sa douleur, et vraiment elle faisait peine à voir.

« Dites donc, s’écria M. Toots, n’allez pas… ou du moins venez, vous savez.

— Venir où, monsieur Toots ? s’écria Suzanne.

— Eh bien ! chez moi, pour dîner avant de partir. Ma cuisinière est la femme la plus respectable ; c’est le cœur le plus maternel que j’aie jamais connu. Elle sera enchantée de vous mettre à votre aise. Son fils, dit M. Toots comme pour donner plus de valeur à sa recommandation, avait été élevé à l’école