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marqua, et il avait raison, qu’il ne manquait rien dans l’appartement ; qu’on y avait réuni tout ce qui pouvait contribuer à l’élégance et au bien-être. M. Carker, comme preuve d’humilité, reçut les éloges de M. Dombey avec un sourire respectueux.

« Je comprends, dit-il, tout ce qu’il y a de bienveillant dans vos paroles, et j’en suis fort touché ; mais, de fait, ce petit cottage, tout simple qu’il est, suffit bien dans ma position ; peut-être même est-ce déjà trop beau pour un homme comme moi, sans fortune. Après cela, monsieur, vous qui dominez tout du haut de votre situation incomparable, dit M. Carker la bouche fendue jusqu’aux deux oreilles, il est possible que vous le trouviez plus agréable qu’il ne l’est en réalité. N’a-t-on pas vu souvent des monarques envier la vie des pauvres gens ? »

En même temps il lança à M. Dombey un regard et un sourire malins, qu’il répéta avec plus de malice encore lorsque M. Dombey alla s’accoter contre la cheminée dans l’attitude que son second copiait si souvent lui-même, regardant autour de lui les tableaux qui décoraient les murs. Bien que l’œil froid du maître passât rapidement sur les peintures, le regard perçant de Carker le suivait, sans le perdre d’une minute, et faisait son profit de tout ce qu’il voyait. Un instant, l’œil de M. Dombey s’arrêta plus particulièrement sur un tableau. Carker, tout occupé à le regarder de côté comme un chat, semblait à peine respirer ; mais l’œil du patron quitta ce tableau comme il avait fait des autres, et ne parut pas plus étonné de celui-là que du reste.

Carker le regardait aussi, ce tableau ! (c’était celui qui ressemblait à Edith), il le regardait comme si c’était un être vivant : son visage souriait avec une méchanceté contenue ; et, quoique le sourire parût s’adresser au tableau, il était en réalité à l’adresse du grand personnage debout là devant lui, et qui ne s’en doutait guère. Le déjeuner fut bientôt servi ; puis, invitant M. Dombey à s’asseoir sur une chaise qui tournait le dos au tableau, lui, il s’assit en face comme à son ordinaire.

M. Dombey était plus grave que de coutume, et très-silencieux. Le perroquet, qui se balançait sur l’anneau doré dans sa cage fastueuse, avait beau se démener pour attirer sur lui l’attention, M. Carker s’occupait trop de son hôte pour s’inquiéter de l’oiseau. Son hôte, plongé dans ses réflexions, l’œil fixe, pour ne pas dire maussade, se tenait droit et roide dans sa cravate, sans lever les yeux de dessus la table. Quant à Robin, qui