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— Vous tuer, coquin ! dit M. Carker en se renversant sur son fauteuil, et souriant d’un air de satisfaction. Vous pouvez bien vous attendre à pis, si vous avez le malheur de me tromper.

— Oui, monsieur, répliqua l’humble rémouleur, je suis bien convaincu que vous tomberiez sur moi à bras raccourcis, monsieur ; mais je ne m’y frotterai pas, allez, monsieur, quand on me promettrait des louis d’or. »

Fortement déçu dans ses espérances de bon accueil, Robin le rémouleur ne pouvait pas s’empêcher de regarder son protecteur, l’oreille basse, et de l’air embarrassé d’un chien couchant battu mal à propos par son maître.

« Ainsi vous avez quitté votre place pour venir me demander à entrer chez moi, hein ? dit M. Carker.

— Oui, monsieur, répondit Robin qui n’avait agi que d’après les instructions de son protecteur, mais qui n’osait se justifier, en y faisant la moindre allusion.

— Eh bien, dit M. Carker, vous me connaissez, mon garçon ?

— Oh ! oui ! monsieur, oh ! oui ! » répondit Robin en tournant son chapeau dans ses mains et essayant, mais en vain, d’échapper à l’œil de M. Carker.

M. Carker secoua la tête.

« Prends bien garde alors, » lui dit-il.

Robin, enchanté de voir que M. Carker recommençait à le tutoyer, fit coup sur coup plusieurs saluts pour lui témoigner que cette recommandation était inutile, et au milieu de ses révérences, il reculait insensiblement vers la porte, fort soulagé à l’idée qu’il allait bientôt se trouver dehors, quand son protecteur l’arrêta.

« Holà, lui cria-t-il, en le ramenant rudement dans la chambre, es-tu habile à… ferme cette porte. »

Robin obéit avec promptitude, comme s’il y allait de sa vie.

« Es-tu habile à moucharder ? Tu sais ce que cela veut dire ?

— Cela veut dire : à écouter, sans en avoir l’air, » dit Robin, après avoir réfléchi mûrement.

Son protecteur fit un signe d’assentiment. « Et aussi à avoir l’œil au guet et cetera.

— Ah ! monsieur, dit Robin, je ne voudrais rien faire de tout cela ici, je vous en donne ma parole d’honneur : j’aimerais mieux mourir ; je ne le ferais pas pour un empire… à moins que vous ne m’en donniez l’ordre, monsieur.