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M. Dombey convient donc de prendre le cousin Feenix ce jour-là et se retire, accompagné du cousin jusque sur l’escalier. Au moment où il s’éloigne, le cousin Feenix lui dit : « Vraiment je suis désolé, Dombey, de toute la peine que cela va vous donner.

— Point du tout, » répond M. Dombey.

Au jour convenu, le cousin Feenix et M. Dombey partent ensemble pour Brighton. À eux deux, ils représentent toute la famille de la défunte, pour accompagner sa dépouille mortelle à sa dernière demeure.

Le cousin Feenix, assis dans une voiture de deuil, reconnaît une foule de monde sur la route, mais, par décorum, il s’abstient de toute salutation ; il se contente de les nommer tout haut à M. Dombey. « Celui-ci, c’est Tom Johnson. Celui-là, c’est l’homme à la jambe de bois de chez White. Eh ! Tom, que faites-vous ici ? Tiens ! voici Foley, sur sa jument pur sang ! et la fille Smalder donc ! » et les reconnaissances continuent ainsi tout le long du chemin. Pendant le temps de la cérémonie, le cousin Feenix est triste ; il fait remarquer que, dans ces occasions, un homme ne peut s’empêcher de songer qu’il commence à se casser, et ses yeux sont humides pour tout de bon quand l’affaire est terminée. Mais il se remet bientôt, et le reste des invités et des amis de Mme Skewton qui, selon l’observation perpétuelle du major à son club, ne s’était jamais assez couverte, en font autant.

Cependant cette jeunesse que vous savez, aux épaules nues, dont les paupières s’agitent si péniblement, dit en poussant un petit cri que la défunte devait être affreusement vieille, qu’elle est morte de toute espèce de maladies si horribles qu’en vérité il vaut mieux n’en jamais parler.

La mère d’Edith repose donc oubliée de ses chers amis ; ils sont sourds au murmure des vagues qui s’enrouent à force de répéter toujours leurs mystères sans fin ; ils ne voient pas le sable qui s’amoncelle sur le rivage, ils ne voient pas les voiles blanches qui, à la douteuse clarté de la lune, ressemblent toujours dans l’espace au bras fatal montrant au loin le but de l’homme, le pays invisible. Mais rien n’est changé sur le bord de la mer inconnue, et Edith, qui s’y promène seule, écoutant le murmure des vagues, foule aux pieds les tristes varechs apportés par les flots, sombre présage des ruines dont va se joncher son chemin dans la vie.