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affaire à lui. « Mais j’espère, dit-il, que c’est purement par ignorance. » À quoi M. Feeder répond : « Que cela ne fait pas le moindre doute. »

M. Feeder, cependant, en sa qualité d’ami intime, reçoit les confidences de M. Toots. Celui-ci désire seulement qu’on n’en parle qu’à mots couverts et avec sentiment. Après avoir bu quelques verres de vin, M. Toots propose de boire à la santé de miss Dombey.

« Mais, voyez-vous, Feeder, vous ne pouvez vous faire une idée du sentiment qui me dicte ce toast.

— Si fait, mon cher Toots, répond M. Feeder, et ce sentiment vous fait honneur, mon vieux garçon. »

L’amitié agite le cœur de M. Feeder, qui serre la main à M. Toots, et lui dit que, si jamais il a besoin d’un ami, il sait où il pourra le trouver ; il lui suffira d’un billet ou d’un petit message à son adresse. M. Feeder ajoute encore qu’il engage vivement Toots à prendre des leçons de guitare, ou tout au moins de flûte.

« Les femmes, dit-il, aiment la musique quand on leur fait la cour ; je l’ai éprouvé par moi-même. »

Ce qui conduit naturellement M. Feeder à avouer qu’il songe à Cornélia Blimber. Il dit à M. Toots que les lunettes ne lui déplaisent pas, et que, si le docteur Blimber faisait bien les choses et se retirait des affaires, eh bien ! ma foi ! ils seraient pourvus. « Je pense, dit-il, que lorsqu’on a amassé un joli petit magot par son travail, on doit quitter les affaires. Cornélia, ajoute-t-il, me seconderait dans la maison d’une manière flatteuse pour l’amour-propre d’un mari. » M. Toots répond en se jetant à corps perdu dans des louanges à l’adresse de miss Dombey, et finit par laisser entendre qu’il lui prend quelquefois envie de se faire sauter la cervelle. M. Feeder ne craint pas de dire que ce serait une folie, et, pour le réconcilier avec l’existence, il lui montre le portrait de Cornélia avec ses lunettes et tout ce qui s’en suit.

Ainsi se passe la soirée pour nos deux compagnons. Lorsque la nuit a succédé au jour, M. Toots reconduit M. Feeder jusqu’à la porte du docteur Blimber. Mais M. Feeder, après avoir monté quelques marches, redescend, quand M. Toots est parti, pour aller seul errer sur la plage et caresser ses rêves d’avenir. M. Feeder entend très-clairement les vagues lui dire, pendant tout le temps de sa promenade, que le docteur Blimber lui laissera son établissement. Il éprouve une sorte de plaisir romanesque à regarder le dehors de la maison, et à