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meurtrier de son maître. Heureusement sa petite maîtresse parvient à le calmer.

« À bas, Diogène, à bas. Ne vous rappelez-vous pas que c’est à M. Toots que nous devons d’être amis, Diogène ? Oh ! le vilain ! »

Aussitôt Diogène de frotter sa tête caressante contre la main de sa maîtresse, de courir en avant, de revenir en arrière, de tourner autour d’elle en aboyant, et de s’élancer tête baissée sur ceux qui passent pour prouver sa soumission. M. Toots aurait bien voulu en faire autant et s’élancer tête baissée n’importe où pour prouver aussi son dévouement. Un militaire passe et M. Toots a bien de la peine à s’empêcher de courir sur lui à toute vitesse.

« Diogène respire ici l’air natal, n’est-ce pas ? miss Dombey, » dit M. Toots.

Florence, avec un sourire de reconnaissance, fait un signe d’assentiment.

« Miss Dombey, dit M. Toots, je vous demande bien pardon, mais si vous vouliez venir jusque chez M. Blimber, je… j’y vais de ce pas. »

Florence passa son bras dans celui de M. Toots, sans prononcer un mot, et ils partirent ensemble avec Diogène qui les précédait. Les jambes de M. Toots se dérobent sous lui. Quoique sa toilette soit des plus brillantes, il y trouve en secret des défauts, et voit des plis invisibles jusque dans les chefs-d’œuvre de Burgess et compagnie : il regrette de n’avoir pas mis cette belle paire de bottes vernies qui lui aurait fait tant d’honneur !

La maison du docteur Blimber, au dehors, a comme toujours son apparence pédantesque et sévère : voici la croisée, où elle avait l’habitude de voir apparaître la pâle figure de son frère, et où cette pâle figure s’illuminait à sa vue ; c’est de là que sa petite main lui envoyait des baisers, quand elle s’éloignait : c’est toujours le même jeune homme, à la vue basse, qui vient ouvrir la porte ; sa physionomie niaise et grimaçante, à l’aspect de M. Toots, annonce qu’il a naturellement la tête faible. On les introduit dans le cabinet du docteur Blimber, où l’aveugle Homère, en compagnie de la clairvoyante Minerve leur donnent audience comme par le passé, au tic tac régulier de la grande horloge du vestibule. Les sphères sont toujours à leurs places accoutumées, comme pour prouver que le monde aussi a une assiette fixe et qu’en vertu de la loi universelle d’attrac-