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— Oh ! oui, ma bonne dame !

— Oui, j’en suis sûre, et ce charmant Grangebey est aussi comme ça. Il faut absolument que je vous serre la main, et maintenant vous pouvez vous retirer. Voyez-vous, j’espère, dit-elle en s’adressant à la fille, que vous montrerez plus de reconnaissance et plus de… comment dirai-je ? et tout le reste. Je n’ai jamais pu retenir les noms. Mais vous serez tout cela, car il n’y a jamais eu de meilleure mère pour vous que cette bonne vieille. Allons, venez, Edith ! »

Tandis que la ruine de Cléopatre se traînait péniblement en gémissant et en essuyant ses yeux, n’ayant garde pourtant de toucher au rouge de ses joues, la vieille suivait en tremblotant une autre route, tout en mâchonnant et en comptant son argent. Pas un mot de plus, pas un geste de plus n’avait été échangé entre Edith et la jeune femme ; mais elles ne s’étaient pas perdues de vue un moment : elles s’étaient regardées fixement jusqu’à l’instant où Edith se réveillant comme d’un songe s’éloigna lentement.

« Oh ! vous êtes bien belle, murmura en elle-même son image en la regardant, mais ce n’est pas la beauté qui nous sauvera. Vous êtes bien orgueilleuse, mais ce n’est pas l’orgueil qui nous sauvera. Je vous attends à notre première rencontre ; nous nous reconnaîtrons là-bas.



CHAPITRE III.

Encore des voix dans les vagues.


Rien n’est changé. Les vagues s’enrouent à répéter sans fin leurs mystères. Le sable s’amoncelle sur le rivage. Les oiseaux s’élèvent dans les airs et planent sur les eaux ; les vents et les nuages suivent leurs courses errantes ; les voiles blanches à la douteuse clarté de la lune ressemblent toujours dans l’espace au bras fatal qui montre au loin le but de l’homme, le pays invisible.

Florence éprouve un tendre et mélancolique plaisir à se retrouver sur ces mêmes bords, qu’elle a parcourus si souvent avec tant de tristesse et pourtant avec tant de bon-