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importunité sa main, s’arrêta pour demander l’aumône à Mme Skewton. La plus jeune s’arrêta aussi ; Edith et elle se regardèrent fixement.

« Qu’avez-vous à vendre ? dit Edith.

— Rien que cela, répondit la femme en présentant ses marchandises sans même les regarder. Je ne peux plus me vendre moi ; il y a longtemps que je me suis vendue.

— Oh ! ma bonne dame, ne la croyez pas, croassa la vieille en s’adressant à Mme Skewton, ne croyez pas ce qu’elle dit là. Elle n’en fait jamais d’autres. C’est ma fille, ma jolie fille, mais bien désobéissante. Elle ne m’adresse que des reproches continuels, ma bonne dame, après tout ce que j’ai fait pour elle. Regardez-là maintenant, ma bonne dame, comme ses yeux menacent sa vieille mère. »

Mme Skewton tira sa bourse d’une main tremblante et tâtonna avec une précipitation fébrile pour donner à la vieille quelques pièces de monnaie. Celle-ci attendait avec des yeux de convoitise, et leurs deux têtes branlantes se touchaient presque déjà, lorsque Edith s’interposant :

« Je vous ai déjà vue, dit-elle à la vieille.

— Oui, ma bonne dame, fit celle-ci avec une révérence ; vous m’avez vue dans le comté de Warwick, un matin, sous les arbres ; vous n’avez rien voulu me donner, mais le monsieur m’a donné quelque chose, lui. Oh ! que Dieu le récompense ! que Dieu le récompense comme il le mérite ! murmura la vieille femme en levant son bras décharné et faisant à sa fille une grimace horrible.

— À quoi vous sert de me retenir, Edith, dit Mme Skewton en prévenant avec humeur une objection de sa fille, vous n’y entendez rien. Je le veux. Je suis sûre que c’est une excellente femme et une bonne mère.

— Oui, ma bonne dame, oui, dit la vieille en faisant claquer ses dents, et tendant une main cupide. Merci bien, ma bonne dame, que le ciel vous bénisse ! Encore une petite pièce de dix sous, ma gentille dame, comme une bonne mère que vous êtes.

— Oui, oui, et une bonne mère qui n’est pas quelquefois plus ménagée que vous par sa fille, ma bonne vieille, dit Mme Skewton d’un ton pleureur. Allons, donnez-moi une poignée de main, vous êtes une bonne vieille, pleine de… je ne sais plus comment ça s’appelle… et ainsi de suite. Vous êtes toute affection, etc., n’est-ce pas ?