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Elle continua à se lamenter ainsi de temps à autre, même quand elles furent descendues de voiture et qu’elle s’avançait toute chancelante appuyée sur Withers d’un côté, sur sa béquille de l’autre. Edith marchait à côté d’elle, et la voiture suivait lentement à une petite distance.

C’était par une journée froide et sombre ; il faisait beaucoup de vent : elles se trouvaient sur les dunes n’ayant entre elles et le ciel qu’une vaste solitude. La mère, se complaisant dans la monotonie de ses lamentations, répétait toujours la même chose à voix basse de temps en temps, et sa fille, gardant son orgueilleux maintien, s’avançait lentement auprès d’elle, quand elles virent s’approcher sur un rocher aride deux autres personnes. Vues de loin, elles semblaient une parodie si fidèle de la tournure de Mme Skewton et de sa fille qu’Edith interrompit sa marche.

Presque au même moment, les deux autres personnes s’arrêtèrent, et celle qu’Edith ne pouvait s’empêcher de comparer à l’ombre contrefaite de sa mère, s’adressa à l’autre avec vivacité en les montrant toutes deux du doigt : la vieille semblait vouloir retourner sur ses pas, mais l’autre, dans laquelle Edith reconnut une image d’elle-même assez frappante pour lui faire éprouver un certain malaise, peut-être même de la peur, s’avança ; alors elles s’approchèrent toutes les deux.

Presque toutes ces remarques, Edith les avait faites en marchant à leur rencontre, car elle ne s’était arrêtée qu’un moment. Une observation plus attentive lui fit reconnaître qu’elles étaient pauvrement vêtues, comme des mendiantes qui courent la campagne. Elle put voir que la plus jeune portait des ouvrages de tricot et d’autres objets à vendre, mais que la vieille marchait péniblement les mains vides.

Et pourtant, quoique cette jeune femme lui fût bien inférieure pour la mise, la dignité, la beauté, Edith ne pouvait s’empêcher de la comparer à elle-même. Peut-être reconnaissait-elle sur son visage quelques traces des sentiments qu’elle couvait en elle-même, et qu’elle gardait au fond de son cœur sans les trahir dans ses traits. Mais quand elle vit la jeune femme s’avancer, lui rendre son regard, et arrêter ses yeux brillants sur elle ; quand elle crut se reconnaître dans son air, dans sa pose, jusque dans un certain échange de pensées réciproques, un frisson parcourut ses membres, comme si le jour devenait plus sombre et le vent plus froid.

Enfin elles se joignirent. La vieille femme, tendant avec