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posant, je ne puis accepter une proposition pareille ; ce serait trop singulier. »

Elle continua à le regarder sans que sa physionomie exprimât le moindre changement.

« Je ne puis, dit M. Dombey qui se leva en parlant, consentir à temporiser ou à entrer en pourparler avec vous, madame Dombey, sur ce sujet. Vous connaissez trop bien, à cet égard, ma façon de penser. Je vous ai posé mon ultimatum, madame ; il ne me reste plus qu’à vous prier d’en faire l’objet de votre plus sérieuse attention. »

Il fallait voir combien le regard d’Edith, changeant d’expression, parut s’arrêter sur lui plus fixement encore. Il fallait voir ses yeux se détourner de lui comme d’un être vil et odieux ! Il fallait voir le froncement de son hautain sourcil ! Il fallait voir le mépris, la colère, l’indignation, l’horreur se peindre sur ses traits, et la pâleur glaciale de son visage sévère s’effacer comme une ombre ! M. Dombey ne pouvait manquer de suivre tous ces jeux de physionomie ; il en eut presque peur.

« Allez, monsieur, dit-elle en lui montrant la porte d’un geste impérieux. Ici se termine notre première et notre dernière confidence. Rien ne pourra nous rendre plus étrangers l’un à l’autre que nous ne le sommes maintenant.

— Je poursuivrai la route que je me suis tracée, madame, dit M. Dombey, sans me laisser troubler, je vous prie de le croire, par des phrases. »

Elle lui tourna le dos sans lui répondre et s’assit devant son miroir.

« J’espère que vous comprendrez mieux votre devoir quand vous serez plus calme et que vous aurez un peu réfléchi, madame. »

Elle ne répondit pas un mot. Dans le miroir qui réflétait le visage d’Edith, il ne vit plus la moindre expression ; non, elle ne faisait pas plus attention à lui qu’à une araignée égarée sur le mur, à un cloporte sur le tapis, ou plutôt elle montrait le même dégoût que s’il avait été pour elle ces deux insectes à la fois et qu’elle les eût foulés aux pieds avec le sentiment du plus profond mépris. Il se retourna, en approchant de la porte, pour jeter encore un regard sur cette chambre, où les lumières et le luxe brillaient avec profusion sur tous les riches et splendides objets étalés partout ; sur la belle Edith, dans ses vêtements somptueux, assise devant sa glace ; sur le visage d’Edith, réfléchi dans son miroir. Il rentra dans sa vieille