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Un autre vin vieillit dans la cave comme autrefois le vieux madère ; la poussière et les toiles d’araignées en tapissent les bouteilles.

Les beaux jours de l’automne sont arrivés, et sur le bord de la mer, on rencontre souvent une jeune dame avec un gentleman aux cheveux blancs. Près d’eux sont deux enfants, une fille et un garçon ; un vieux chien ordinairement les accompagne.

Le vieux gentleman se promène avec le petit garçon, cause avec lui, joue avec lui, s’occupe de lui et veille constamment sur lui comme si c’était l’unique but de son existence. Si l’enfant est rêveur, le vieux gentleman l’est aussi ; et quelquefois, lorsque l’enfant, assis près de lui, le regarde et l’interroge, il prend dans la sienne sa petite main, et oublie de répondre. L’enfant dit alors :

« Bon papa, est-ce que je ressemble encore comme cela à mon pauvre petit oncle ?

— Oui, Paul. Mais il était faible, et vous êtes très-robuste.

— Oh ! oui, je suis très-robuste !

— Lui, il était couché dans un petit lit sur le bord de la mer, et vous, vous pouvez courir sur la plage. »

Et les voilà continuant leur promenade en jouant, car le vieux gentleman aime à voir l’enfant prendre gaiement ses ébats. Ils vont ensemble : l’histoire de leur tendresse inséparable les accompagne et les suit.

Mais Florence seule connaît le secret de la tendresse du vieux gentleman pour la petite fille. Pour cela on n’en dit rien, il n’y a qu’elle qui puisse le savoir. L’enfant elle-même soupçonne qu’il y a là un mystère. Le vieux gentleman porte l’enfant dans son cœur. Il ne peut la voir assise seule à l’écart. Il s’imagine qu’elle se croit délaissée, quand elle ne l’est pas. Il va, en tapinois, la regarder dormir. Il est heureux de la voir venir le matin le réveiller dans son lit. Il ne l’aime jamais plus et ne lui prodigue jamais plus de caresses, que lorsqu’il n’y a là personne qui le gêne. L’enfant lui dit alors quelquefois :

« Cher grand-papa, pourquoi pleurez-vous en m’embrassant ? »

Il ne peut que répondre :

« Petite Florence ! petite Florence ! » et il écarte doucement les boucles qui cachent les beaux yeux de l’enfant.



FIN.