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les rayons du soleil, et le vin doré qu’elle contient étincelle sur la table.

C’est la dernière bouteille de vieux madère.

« Vous avez raison, M. Gills, dit M. Dombey. Voilà un vin rare et délicieux. »

La capitaine, qui est de la partie, rayonne de joie. Son front resplendit d’une auréole de bonheur.

« Nous nous étions promis, monsieur, dit l’opticien ; je veux dire Édouard et moi… »

M. Dombey fait un petit salut de la tête au capitaine radieux et muet de bonheur.

« Nous nous étions tous deux promis, monsieur, reprend Sol Gills, que nous boirions un jour cette bouteille pour fêter le retour de Walter ; nous ne pensions pas alors le voir si heureux. Si vous n’y trouvez aucun inconvénient, monsieur, nous boirons avec votre permission, ce premier verre à la santé de Walter et de sa femme !

— À Walter et à sa femme ! dit M. Dombey. Florence, mon enfant… et il tourne la tête pour l’embrasser.

— À Walter et à sa femme ! dit M. Toots.

— À Walter et à sa femme, s’écrie le capitaine. Hurrah !… »

Et comme le capitaine témoignait un violent désir de trinquer avec quelqu’un, M. Dombey aussitôt lui présente son verre. Les autres l’imitent, et tous en chœur, forment un cliquetis joyeux, qui ressemble à un petit carillon de cloches nuptiales.

D’autre vin vieillit dans la cave, comme autrefois le vieux madère ; la poussière et les toiles d’araignées en tapissent les bouteilles.

M. Dombey a des cheveux blancs. Sa figure porte des traces profondes de chagrins et de souffrances, mais ce ne sont plus que les traces d’un orage qui a passé, laissant derrière lui une belle soirée.

Les projets ambitieux ne le préoccupent plus. Sa fille et son mari sont maintenant tout son orgueil. Il est habituellement silencieux et rêveur, et ne quitte pas sa fille. Miss Tox est souvent des réunions de famille. Elle y est heureuse et bien venue. Son admiration pour son fier protecteur d’autrefois est devenue platonique, depuis la secousse qu’elle a éprouvée un matin dans sa chambre de la place de la Princesse ; mais son admiration n’a pas diminué le moins du monde.

Il ne reste rien à M. Dombey de sa fortune ; il touche seulement une certaine somme annuelle qui lui arrive il ne sait