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regarder comme trompeuses et, de fait, je dirais presque comme d’amères railleries, mais je l’en conjure, parce que ce n’était pas bien : c’était mal. »

Après cette péroraison, les jambes du cousin Feenix consentirent à l’emmener ; il laissa seules Edith et Florence et ferma la porte.

Edith resta quelques instants silencieuse, assise tout près de Florence. Puis elle tira de son sein une lettre cachetée.

« Je me suis longtemps demandé si je devais écrire cette lettre pour la garder sur moi, en cas de mort subite ou accidentelle. Depuis, j’ai hésité à la détruire. Prenez-la, Florence. Elle contient la vérité.

— Est-ce pour papa ? demanda Florence.

— Elle est pour qui vous voudrez, répondit-elle ; c’est à vous que je la donne ; c’est vous qui la recevez, il ne l’aurait jamais eue autrement. »

Elles gardèrent encore le silence : l’obscurité croissait.

« Maman, dit Florence, il a perdu toute sa fortune ; il a manqué de mourir et il a beaucoup de peine à se remettre. Ne lui dirai-je pas quelque chose de votre part ?

— Ne m’avez-vous pas dit, demanda Edith, que vous lui étiez bien chère ?

— Oui, dit Florence d’une voix tremblante.

— Dites-lui que je regrette que lui et moi nous nous soyons rencontrés.

— Rien de plus ? dit Florence après avoir attendu un moment.

— Dites-lui, s’il vous le demande, que je ne me repens pas de ce que j’ai fait, non, pas encore, car si j’avais à recommencer demain, je le ferais de même. Mais s’il est changé maintenant… »

Elle s’arrêta. Florence lui serrait silencieusement la main et cette étreinte l’arrêta.

« Mais puisqu’il est changé, reprit-elle, il sait lui-même maintenant qu’il eût mieux valu que cela ne fût jamais arrivé.

— Pourrai-je lui dire que vous le plaignez de toutes les peines qu’il a endurées ? dit Florence.

— Non, répliqua-t-elle, si elles ont pu lui apprendre à aimer sa fille. Il ne s’en plaindra pas lui-même, un jour, si elles ont pu lui donner cette leçon, Florence.

— Vous lui souhaitez du bien, et vous voudriez qu’il fût heureux. Oh ! j’en suis sûre, dit Florence. Laissez-moi le lui dire, si l’occasion s’en présente quelque jour. »