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ce qui me sépare, pour le reste de mes jours, de la pureté, de l’innocence, de vous et du reste du monde. Je suis coupable d’un ressentiment aveugle, furieux, dont je ne peux, ni ne veux, même maintenant, me repentir ; mais je ne suis pas coupable avec cet homme qui est mort, vous savez bien ; je vous le jure devant Dieu ! »

Et à genoux par terre, elle leva ses deux mains vers le ciel et jura.

« Florence ! dit-elle, ô vous la plus pure et la meilleure des créatures, vous que j’aime, vous qui auriez pu me changer, et qui pendant un temps aviez réussi à le faire, telle que je suis, croyez-moi, je suis innocente de cela, et laissez-moi une dernière fois serrer sur mon pauvre cœur cette tête chérie ! »

Florence émue, pleurait. Si Edith avait été ainsi autrefois, elle aurait été plus heureuse maintenant.

« Il n’y a rien au monde, dit-elle, qui eût pu m’arracher ce secret. Ni amour, ni haine, ni promesse, ni menace. J’avais dit que je mourrais sans rien révéler ; je l’aurais fait, je me l’étais promis, si je ne vous avais jamais vue, Florence.

— J’ai la confiance, dit le cousin Feenix en trottinant vers la porte et parlant, moitié en dedans, moitié en dehors, j’ai la confiance que ma charmante et distinguée parente me pardonnera d’avoir employé un petit stratagème pour ménager cette rencontre. Je ne pourrais pas dire que j’aie d’abord douté positivement que ma charmante et distinguée parente se fût compromise, d’une façon tout à fait déplorable, avec ce monsieur décédé, qui avait des dents blanches, parce que, de fait, on voit dans ce monde… monde bien curieux par ses arrangements diablement bizarres, et qui est décidément la chose la plus inintelligible pour un homme d’expérience ; on voit, dis-je, dans ce monde, les plus singuliers rapprochements de ce genre. Mais, comme je le disais à mon ami Dombey, je ne pouvais croire à la faute de ma charmante et distinguée parente avant d’avoir eu des preuves positives. Et, quand feu ce monsieur a été, de fait, broyé d’une si horrible manière, je pensais que la position de ma charmante et distinguée parente devait être fort pénible, et comme je pensais aussi que notre famille avait bien quelque reproche à se faire de ne pas s’être occupée d’elle davantage, et que nous étions des gens bien insouciants, et que ma tante, qui avait été une diablement belle personne, n’avait pas été peut-être la meilleure des mères, je pris la liberté d’aller chercher sa fille en France