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et des feuilles : on eût dit qu’il avait de la sympathie pour les ombres. Ce n’est pas surprenant, pour lui la vie et le monde n’étaient rien de plus désormais.

Il commença à montrer aussi de la sollicitude pour les fatigues de Florence. Souvent il secouait sa torpeur pour lui dire tout bas : « Allez, ma chérie, allez prendre l’air ! Allez voir un peu votre bon mari ! » Une fois que Walter était dans sa chambre, il lui fit signe de s’approcher et de se pencher vers lui, puis, lui serrant la main, il lui dit qu’il savait qu’il pouvait être tranquille sur sa fille quand il ne serait plus.

Un soir que Florence et Walter, vers le moment du coucher du soleil, se trouvaient assis dans sa chambre comme il aimait à les voir, Florence, qui tenait son petit enfant dans ses bras, se mit à chanter à voix basse la vieille chanson qu’elle avait si souvent répétée au pauvre Paul. Il n’eut pas le courage, en cet instant, d’entendre cet air. Il lui fit signe de sa main tremblante de ne pas continuer. Mais le lendemain il la pria de la lui chanter, et plus d’une fois ensuite il la lui demandait le soir, et l’écoutait en détournant la tête.

Une autre fois, Florence était assise devant la fenêtre : son panier à ouvrage était entre elle et son ancienne femme de chambre, maintenant sa fidèle compagne. M. Dombey reposait. La soirée était belle, et il y avait encore deux heures de jour avant la nuit. Ce calme et ce repos du soir faisaient rêver Florence. Elle se rappelait le jour où son père, si changé maintenant, l’avait présentée à sa charmante mère, quand un léger coup, frappé par Walter sur le dos de sa chaise, la fit tressaillir.

« Ma chère, dit Walter, il y a en bas quelqu’un qui désire vous parler. »

Elle crut s’apercevoir que Walter était grave, et elle lui demanda s’il était arrivé quelque chose.

« Non, non, mon amour, dit-il ; j’ai vu moi-même la personne et je lui ai parlé. Il n’est rien arrivé. Voulez-vous venir ? »

Florence passa son bras sous le sien, et, confiant son père aux soins de la brune Mme Toots, qui s’occupait de son ouvrage avec toute l’ardeur et l’activité d’une brune aux yeux noirs, elle accompagna son mari en bas. Dans la jolie salle à manger qui ouvrait sur le jardin, était assis un monsieur qui se leva pour aller au-devant d’elle quand elle parut ; mais il fit un écart involontaire dont ses jambes chancelantes étaient