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Mme Toots se mit à sangloter.

« Ma chère Suzanne, dit M. Toots, je vous en prie, rappelez-vous les prescriptions du médecin, si vous le pouvez ! Si cela vous est impossible, ça ne fait rien… mais essayez toujours. »

Sa femme, reprenant tout à coup ses anciennes façons, se mit à le supplier avec tant d’instances de la conduire auprès sa petite chérie, de sa bonne maîtresse, de son cher trésor, que M. Toots, dont la sympathie et l’admiration n’avaient pas de bornes, y consentit du plus profond de son cœur. Il fut convenu qu’ils partiraient immédiatement pour porter eux-mêmes la réponse au capitaine.

Ce jour-là, le capitaine, chez lequel se rendaient M. et Mme Toots, se trouvait, par un enchaînement mystérieux de circonstances fortuites, emporté dans le cortége fleuri de l’hyménée. Il n’y jouait pas pourtant le premier rôle, il n’était qu’au second plan, et voici comme :

Le capitaine, après être allé voir Florence et son petit enfant, et s’en être donné à cœur joie ; après avoir longuement causé avec Walter, sortit pour faire un tour. Il avait besoin de méditer seul sur les vicissitudes des choses humaines et de secouer violemment son chapeau de toile cirée à propos de la chute de M. Dombey pour lequel ses sentiments de générosité et de naïve simplicité se réveillaient dans son cœur. Le capitaine aurait été atterré par la nouvelle du désastre de l’infortuné M. Dombey, si le souvenir du petit enfant de Florence n’avait pas fait contre-poids à sa douleur : mais ce souvenir l’égayait si bien, que, dans la rue, il lui arriva, en pensant au petit bonhomme, d’éclater de rire tout seul et, dans les soudains transports de sa joie, de lancer son chapeau de toile cirée en l’air et de le rattraper, au grand étonnement des passants qui le regardaient ébahis. Les rapides alternatives de gaieté et de tristesse auxquelles le capitaine était exposé par ce double sujet de peine et de joie mettaient son esprit à la torture : il sentit qu’il avait besoin de faire une longue promenade pour reprendre son sang-froid ; et comme en pareil cas, le milieu dans lequel on se trouve a beaucoup d’influence sur le moral, il choisit pour le théâtre de sa promenade le voisinage de son ancienne demeure : il marcha longtemps parmi les mâts, les avirons, les fabricants de poulies, les marchands de biscuits de mer, les déchargeurs de houille, les chaudières à goudron, les matelots, les canaux, les docks, les ponts-levis, et traversa