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point : ce qui n’empêchait pas que la chose fût parfaitement connue de tous les jeunes gens : la preuve c’est que, quand ceux-ci partirent pour aller rejoindre leurs parents et amis, ils prirent congé de M. Feeder en le plaignant de tout leur cœur.

M. Feeder au contraire voyait se réaliser ses rêves les plus romanesques. Le docteur s’était décidé à faire badigeonner l’extérieur de la maison et à la remettre à neuf ; puis à céder son établissement avec Cornélia, l’un portant l’autre. Les peintres se mirent à l’ouvrage le jour même du départ des jeunes gens ; et déjà était arrivé le jour du mariage. C’était le matin, on attendait Cornélia pour la conduire à l’autel avec une paire de lunettes neuves.

Le docteur et ses doctes mollets, Mme Blimber et M. Feeder, bachelier ès lettres, avec ses mains longues et osseuses et ses cheveux en brosse, et le frère de M. Feeder, le révérend Alfred Feeder, licencié ès lettres, qui devait donner la bénédiction nuptiale, étaient tous réunis dans le salon. Cornélia avec ses fleurs d’oranger et ses demoiselles d’honneur venait de descendre, et comme autrefois elle semblait un peu trop serrée, mais toujours charmante. Au même moment, la porte s’ouvre, et le jeune domestique myope annonce à haute voix :

« M. et Mme Toots ! »

Aussitôt entre M. Toots, qui est devenu un fort gaillard et qui donne le bras à une dame dont la mise est riche et distinguée, et dont les yeux noirs brillent du plus vif éclat.

« Madame Blimber, dit M. Toots, permettez-moi de vous présenter ma femme. »

Mme Blimber est enchantée de la voir. Elle garde un peu son quant-à-elle, mais elle se montre très-affable.

« Comme vous me connaissez depuis bien longtemps, vous savez, dit M. Toots, permettez-moi de vous dire que c’est une des femmes les plus remarquables du monde.

— Ah ! mon ami, dit Mme Toots, avec une petite moue grondeuse.

— Ma parole d’honneur ! dit M. Toots, je… je… je vous jute, Mme Blimber, que c’est une femme comme on n’en voit guère. »

Mme Toots rit de tout son cœur, et Mme Blimber la conduit à Cornélia. M. Toots présente ses hommages à la mariée et salue son ancien maître, qui lui dit par allusion à son mariage : « Eh bien, Toots, vous voilà donc enrôlé dans notre