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— Je vous prierai, Robin, de ne plus vous servir d’une telle expression, dit miss Tox poliment.

— Eh bien, alors, que celles d’un gaillard…

— Non, Robin, non, reprit miss Tox ; je préfère le mot individu.

— Eh bien, que celles d’un individu quelconque, dit le Rémouleur.

— C’est beaucoup mieux, remarqua miss Tox d’un ton satisfait ; c’est infiniment plus expressif.

— Mes intentions sont plus droites que celles de tout individu quelconque. Si on ne m’avait pas fait rémouleur, voyez-vous, mam’zelle, et vous, maman, ce qui est bien la plus malheureuse chose pour un jeune ga… non, pour un individu, que je veux dire.

— Parfait ! parfait ! dit miss Tox d’un ton approbateur.

— Et si je n’avais pas été entraîné par les oiseaux, si je n’étais pas tombé sur un mauvais maître, dit le Rémouleur, je crois qu’ j’aurais pu mieux tourner. Mais c’ n’est jamais trop tard pour un…

Indivi… suggéra miss Tox.

Du, termina le Rémouleur, d’ s’amender, et j’espère bien m’amender mam’zelle, avec votre aide ; sur quoi je vous prie, mère, de souhaiter ben le bonjour de ma part à mon père, à mes frères et sœurs, et d’leur dire la chose.

— Je suis bien aise de vous voir aussi raisonnable, dit miss Tox. Voulez-vous, avant de partir, Robin, prendre une tasse de thé avec une tartine de pain et de beurre ?

— Merci ben, mam’zelle, » répondit le Rémouleur… et il se mit aussitôt à tourner la meule de ses mandibules avec une telle ardeur, qu’on voyait bien qu’il était depuis longtemps à la demi-ration.

Pendant ce temps-là, miss Tox mit son chapeau, son châle, et Polly en fit autant. Robin embrassa sa mère et suivit sa nouvelle maîtresse. Polly était si heureuse, elle espérait tant pour l’avenir que ses yeux étincelaient à la lumière du gaz, pendant qu’elle le regardait s’éloigner. Polly éteignit sa bougie, ferma la porte de la maison, et en donna la clef à un commissionnaire tout près de là, puis elle se hâta de rentrer chez elle. Elle se réjouissait à l’avance du bonheur que son arrivée inattendue causerait à sa petite famille. La grande maison qui gardait le silence sur les tristes choses qui s’étaient passées sous son toit, sur les changements dont elle avait été