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pendant qu’il était perdu dans ses pensées, une lueur brilla dans la chambre : c’était un rayon de soleil. Il n’y fit pas attention, et continua à rêver. Tout à coup il se lève, avec un visage sinistre ; sa main saisit convulsivement ce qu’il cache dans sa poitrine. Il est arrêté par un cri, un cri sauvage, terrible, perçant, arraché par l’amour et la terreur ; il regarde ! il voit son image se refléter dans la glace, et à ses pieds, sa fille !

Oui, sa fille ! elle est là ! à genoux par terre, se serrant contre lui, et lui disant, les mains jointes :

« Papa ! cher papa ! pardonnez-moi, pardonnez-moi. Je suis revenue pour vous demander mon pardon à genoux. Sans ce pardon, il n’y a plus de bonheur pour moi. »

Elle est toujours la même, toujours la même, quand tout a changé. C’est toujours ce même visage qu’elle levait vers lui dans cette triste nuit ; elle est revenue pour lui demander pardon, à lui !

« Ô cher papa ! ne me regardez pas ainsi ! Je n’ai jamais eu l’intention de vous quitter, je n’y ai jamais pensé, ni avant ni après. J’avais peur quand je me suis sauvée ; je ne pouvais réfléchir à ce que je faisais. Papa, cher papa, je suis changée ; je me repens ; je reconnais ma faute ; je sais mieux mes devoirs maintenant. Papa, ne me repoussez pas, ou j’en mourrai ! » Il retomba sur sa chaise. Il sentit qu’elle lui prenait les bras pour se les mettre autour du cou ; il sentit qu’elle le serrait dans ses bras ; il sentit ses baisers sur son visage ; il sentit sa joue toute mouillée de larmes contre la sienne ; il sentit, oh ! oui ! il sentit vivement… tout ce qu’il avait fait.

Elle lui prit la tête qu’il cachait dans ses mains maintenant, et la posa doucement sur ce sein qu’il avait meurtri, contre ce cœur qu’il avait presque brisé, et lui dit en sanglotant :

« Papa, mon cher papa, je suis mère. J’ai un enfant qui appellera bientôt Walter du nom que je vous donne. Quand il vint au monde et que je sentis tout ce que j’avais d’amour pour lui, je sentis en même temps tout ce que j’avais fait de mal en vous quittant. Pardonnez-moi, cher papa ! Oh ! je vous en prie, que j’entende de votre bouche ces mots : « Ma fille, soyez bénie, vous et votre petit enfant ! »

Il les aurait prononcés, ces mots, s’il l’avait pu. Il lui aurait tendu ses mains, il lui aurait demandé son pardon, lui ; mais elle lui prit les mains dans les siennes et les abaissa vivement.

« Mon petit enfant est né sur mer, papa ! J’ai prié Dieu, et