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deux enfants, avec quel mélange de regret, de tristesse et d’amour !

Partout des traces de pas ! on n’avait point respecté les vieilles chambres du haut, ces chambres où avait été placé le petit lit ; c’était à peine s’il pouvait trouver un coin qui n’eût pas été profané, ou par terre ou contre la muraille, un coin où il pût se jeter, pauvre cœur brisé, pour y laisser couler ses larmes abondantes. Il en avait tant versé à cet endroit ! il y avait longtemps qu’il rougissait moins de sa faiblesse là que partout ailleurs. Peut-être même ce sentiment lui servait-il d’excuse à lui-même pour être monté là. C’est là qu’il avait voulu venir, courbé et la tête penchée sur sa poitrine : c’est là qu’étendu sur le plancher au milieu de la nuit, il pleurait, seul, à son aise… car il conservait, même là, sa fierté, et si, dans ce moment, une main charitable s’était étendue vers lui, s’il avait vu apparaître un visage ami pour compatir à ses peines, il se serait levé, il se serait enfui pour retourner se cacher dans sa cellule.

Quand le jour parut, il s’était déjà renfermé dans ses appartements. Il avait eu envie de partir ce jour-là, mais il demeurait attaché fortement à cette maison comme à la dernière et seule chose qui lui restât. Il voulait partir le lendemain ; le lendemain arrivait, et il ajournait encore au lendemain. Chaque nuit, sans que personne le sût, il recommençait ses promenades nocturnes dans la maison abandonnée, comme un revenant. Plus d’une fois, le matin, au lever du soleil, le visage défait, le corps penché derrière les persiennes de sa croisée où le jour pénétrait à peine, il songeait à la perte de ses deux enfants. Ce n’était plus comme autrefois où ses pensées se concentraient sur un seul. Maintenant il les réunissait dans son souvenir, où ils restaient inséparables. Oh ! pourquoi n’avaient-ils pas été autrefois inséparables dans son amour et dans la tombe ! il n’en aurait pas perdu un aujourd’hui plus cruellement que par la mort !

Cet état d’agitation et de trouble n’était pas nouveau pour lui. Ce n’est jamais un état nouveau pour des natures sombres et opiniâtres ; car elles soutiennent une lutte acharnée ; avant d’en venir là. C’est un terrain qui se mine sourdement et qui s’écroule en un moment : l’orgueil de cet homme, miné de tant de manières, s’affaissait, peu à peu, à chaque instant davantage, à chaque mouvement de l’aiguille sur le cadran. À la fin, il se mit à penser qu’il n’avait pas besoin de quit-