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laisser retomber sa tête dans ses mains tremblantes, et pousser un long et profond sanglot qui retentit à l’étage supérieur.

Il était tombé pour ne plus se relever. Sa ruine était une nuit profonde qui ne devait plus avoir de lendemain radieux : la tache faite à l’honneur de sa maison était indélébile. Rien ne pouvait plus, Dieu merci, rendre la vie à l’enfant qui n’était plus. Mais, quand il pensait qu’il aurait pu être si différent dans le passé (ce qui aurait bien changé le passé, mais il était trop tard maintenant), quand il songeait que tout cela était son ouvrage, quand il pensait qu’il aurait pu si facilement changer en bonheur ces années de malédiction. Oh ! c’est alors que son cœur souffrait cruellement.

Oh ! oui ! il se l’est rappelé. La pluie qui tombait sur le toit, le vent qui gémissait tristement au dehors en avaient bien apporté le présage dans leurs sons mélancoliques. Il savait maintenant ce qu’il avait fait. Il savait maintenant que c’était lui qui avait appelé sur sa tête ce coup terrible, sous lequel il était courbé en ce moment, plus que n’auraient pu le faire les terribles coups de la fortune. Il savait maintenant ce que c’était que d’être repoussé, abandonné ; maintenant que les fleurs d’amour qu’il avait flétries dans le cœur de sa fille retombaient sur lui comme une pluie de cendres stériles.

Il pensait à elle, telle qu’il l’avait vue le soir où il était revenu avec sa femme. Il pensait à elle telle qu’il l’avait vue à chaque événement survenu dans la maison abandonnée. Il pensait maintenant que tout, autour de lui, avait changé, excepté elle. Son petit Paul était réduit en poussière ; sa femme hautaine était tombée dans l’abîme de la honte ; son ami, son flatteur plutôt, était mort comme un lâche ; ses richesses s’étaient évanouies ; les murs mêmes qui l’abritaient le regardaient sans le reconnaître : Florence seule avait toujours conservé fixés sur lui ses yeux doux et aimants. Oui, c’était elle qui, la dernière, était restée pour lui la même jusqu’au dernier moment. Elle n’avait pas changé pour lui ; pas plus, hélas ! qu’il n’avait changé pour elle ; et maintenant il l’avait perdue.

À mesure qu’il voyait dans son esprit tomber une à une toutes ces images, son enfant, sa femme, son ami, sa fortune, oh ! comme le brouillard à travers lequel il l’avait vue s’éclaircissait pour lui montrer sa fille telle qu’elle était ! combien il regrettait maintenant de ne l’avoir pas aimée comme il avait aimé le petit Paul ! Mieux aurait valu pour lui la perdre