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ouvre ; et revient dans l’allée sonore accompagnée d’une femme qui porte un chapeau noir : c’est miss Tox et miss Tox a les yeux rouges.

« Oh ! Polly, dit miss Tox, quand je suis allée chez vous pour donner une petite leçon aux enfants, j’ai appris la nouvelle que vous aviez laissée pour moi : et aussitôt que j’ai pu recouvrer mes sens, je suis partie pour vous voir. Il n’y a que vous ici ?

— Pas une âme de plus, dit Polly.

— L’avez-vous vu ? dit tout bas miss Tox.

— Mon Dieu, non ; voilà plusieurs jours qu’on ne l’a pas vu. On me dit qu’il ne quitte jamais sa chambre.

— Dit-on qu’il soit malade ? demande miss Tox.

— Non, madame, non que je sache ; s’il est malade, c’est d’esprit. Ah ! le pauvre homme ! il doit avoir en effet l’esprit bien malade. »

Miss Tox est attendrie : elle ne peut dire un mot ; elle n’est plus de la première jeunesse ; mais l’âge et le célibat ne l’ont pas endurcie. Son cœur est toujours tendre ; sa sensibilité toujours délicate, ses démonstrations de respect toujours sincères. Sous son camée, à œil de poisson, miss Tox porte de meilleures qualités que beaucoup d’autres personnes qui ont un extérieur moins singulier. Elle a des qualités solides. Ces qualités-là survivront pendant bien des années aux plus beaux extérieurs, aux plus brillantes formes qui tombent avec le temps sous la faux du grand moissonneur.

Miss Tox reste longtemps avec Polly ; quand elle se retire, Polly l’accompagne avec sa lumière sur l’escalier : une fois sortie, elle regarde dans la rue pour se distraire : elle éprouve de la répugnance à rentrer dans la triste demeure, à refermer cette solitude avec les lourds verrous de la porte et à se retirer dans sa chambre à coucher. Elle finit par s’y résigner pourtant. Le matin, elle met dans une des chambres, dont on a laissé les persiennes fermées, tout ce qu’on lui a dit de préparer ; puis elle s’en va, et ne rentre dans cet appartement que le lendemain matin à la même heure. Il y a bien des sonnettes, mais elles ne sonnent plus : elle entend le bruit d’un pas qui va, qui vient : mais personne ne sort. Miss Tox revient de bonne heure dans la journée. Elle s’occupe à préparer de petites gâteries, comme elle les appelle, pour qu’on les porte dans la chambre le lendemain matin. Elle trouve tant de charme à cette occupation, qu’à partir de ce