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À la fin, voilà donc tout parti ! Il ne reste dans la maison que les feuilles des catalogues semées çà et là, des brins de paille et de foin sur le parquet et une collection de pots d’étain derrière la porte de l’allée. Les hommes à casquettes mettent leur tourne-vis dans un sac, le sac sur leur épaule et s’en vont. Un des messieurs armés de plume et d’encre passe encore dans les appartements pour jeter un dernier coup d’œil. Il fait afficher aux fenêtres : Jolie maison à louer, par bail de trois, six, neuf, et il ferme les volets. À la fin, il suit les hommes à casquettes. Il ne reste pas un seul des envahisseurs. La maison n’est plus qu’une ruine et les rats la quittent.

Les appartements de Mme Pipchin, avec les pièces fermées du rez-de-chaussée, dont les persiennes sont baissées, ont échappé à la dévastation générale. Mme Pipchin, pendant la vente est restée dans sa chambre, froide et dure comme une pierre ; de temps en temps, elle est allée jeter un coup d’œil à la vente, pour voir si les enchères montaient bien et pour offrir son prix d’une certaine bergère. L’enchère de Mme Pipchin, pour la bergère, n’a pas été couverte : elle est assise sur son lot, quand Mme Chick entre dans sa chambre.

« Comment va mon frère, madame Pipchin ? lui dit-elle en entrant.

— Je n’en sais fichtre rien, répondit Mme Pipchin. Il ne me fait jamais l’honneur de me parler. Il a à boire et à manger dans la chambre voisine de la sienne ; et il va prendre lui-même ce dont il a besoin, quand il n’y a personne. Il est donc inutile de m’interroger là-dessus, je n’en sais pas plus que le Grand Turc. »

Et l’acerbe Pipchin accompagne ses paroles d’un geste assez leste.

« Mais, mon Dieu ! s’écrie Mme Chick d’un ton de douce pitié, combien de temps cela va-t-il durer ! Si mon frère ne veut pas faire un effort, que va-t-il devenir ? J’aurais cependant cru qu’averti par tant de tristes circonstances, résultant de ce qu’il n’avait pas fait d’effort, il ne serait pas retombé dans cette fatale erreur.

— Bah ! bah ! dit Mme Pipchin en se frottant le nez, je trouve qu’on fait beaucoup trop de bruit pour peu de chose. Ce n’est déjà pas si étonnant ! Il n’est pas le premier qui ait eu le malheur de se voir obligé de se séparer de ses meubles. Moi aussi j’ai eu des malheurs !

— Mon frère, continue Mme Chick du ton le plus posé, est