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placards de la cuisine aussi bien que dans les recoins des mansardes. De grands escogriffes avec des chapeaux usés, plantés à la fenêtre de la chambre à coucher, échangent des quolibets avec les gens qui passent dans la rue. Des personnages calmes et absorbés dans leurs calculs se sont retirés dans les cabinets de toilette avec des catalogues, sur lesquels ils tracent des notes marginales avec des bouts de crayon.

Deux marchands de bric-à-brac montent sur les échelles de sauvetage pour les incendies, et, du haut de la maison, ils jouissent du panorama de tout le voisinage. Le brouhaha et le bruit des gens qui montent et descendent durent plusieurs jours. On voit une grande affiche portant ces mots : À vendre un mobilier moderne, excellent, etc., etc., etc.

Dans le grand salon, on a formé une palissade de tables à perte de vue ; et sur ces tables modernes, élégantes, à pieds tournés, d’un acajou luisant et poli, s’élève le bureau du commissaire-priseur : alors ces troupeaux de vampires aux habits râpés, juifs et chrétiens, les fumeurs et les priseurs, et les grands escogriffes aux chapeaux usés, s’assemblent autour du commissaire, s’asseyent sur tout ce qu’ils rencontrent, sans en excepter les dessus de cheminée : les enchères commencent. Pendant toute la journée, c’est une chaleur, c’est un bourdonnement, une poussière ! on ne s’y reconnaît plus ! tout est en action dans la personne du commissaire ; tout remue à la fois, épaules, voix et marteau. Les hommes aux casquettes de moquette s’échauffent et jurent comme tous les diables en se jetant sur les lots ; les lots passent, passent, et il en revient toujours d’autres. Parfois une plaisanterie excite un cri général. Ce tapage-là dure quatre jours consécutifs. À vendre un mobilier moderne, excellent, etc., etc., etc.

Alors on voit apparaître les vieux cabriolets et les tapissières ; puis des voitures suspendues, des chariots, puis une armée de commissionnaires, portant chacun leur crochet. Toute la journée, les hommes à casquettes sont aux bois de lit vissant et dévissant ; on en voit une douzaine dans l’escalier, qui chancellent sous leurs pesants fardeaux et qui hissent dans les cabriolets, les tapissières, les voitures suspendues et les chariots, des meubles d’acajou, de bois de rose et des glaces. À la porte, il y a toutes sortes de véhicules, depuis le tombereau jusqu’à la brouette. Le petit lit du pauvre Paul est emporté dans une voiture que traînent deux baudets en tandem. En une semaine à peu près, le mobilier moderne est déménagé.