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CHAPITRE XXI.

Justice.


Elle avait encore subi des changements, la grande maison de la triste rue, théâtre de l’enfance abandonnée de Florence. C’est toujours une grande maison, à l’épreuve du vent et de l’orage ; le toit n’est pas défoncé, les fenêtres ne sont pas brisées, les murs ne sont pas délabrés, mais ce n’en est pas moins une ruine, et les rats la quittent.

M. Towlinson et tous les gens de la maison se refusent d’abord à croire les bruits étranges qu’ils entendent circuler.

« Dieu merci ! dit la cuisinière, le crédit de notre maison n’est pas si facile que ça à ébranler.

— Et moi, dit M. Towlinson, je ne désespère pas d’entendre dire demain que la Banque d’Angleterre a fait banqueroute ou que les joyaux de la couronne sont à vendre. »

Mais bientôt arrive la gazette et avec la gazette M. Perch ; et M. Perch amène Mme Perch pour passer une soirée agréable à parler de tout cela dans la cuisine.

Dès qu’il n’y a plus le moindre doute sur la vérité de la catastrophe, toute l’inquiétude de M. Towlinson c’est que la faillite ne soit considérable, pas moins de cent mille livres.

« Ah ! ben oui ! vous n’en approchez pas encore, » dit M. Perch.

Et les femmes répètent en chœur, Mme Perch et la cuisinière à leur tête : « Cent mil-le-li-vres ! » avec une expression d’effrayante satisfaction ; elles appuient sur ces mots-là, comme si elles tenaient l’argent rien que d’en parler. La bonne, qui lance une œillade à M. Towlinson, voudrait seulement en avoir la centième partie pour l’apporter en dot à un homme de son choix. M. Towlinson, qui a toujours conservé son ancienne rancune nationale, se demande ce qu’un étranger pourrait faire de tant d’argent, à moins de le dépenser pour entretenir ses moustaches : cette amère plaisanterie a pour résultat de faire sortir la bonne qui pleure à chaudes larmes.

Mais son absence n’est pas de longue durée ; car la cuisinière, qui passe pour avoir très-bon cœur, s’adresse en ces termes à Towlinson :