Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 3.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand Henriette quitta la maison, le cocher de son remise suivit une route qui, évidemment, ne lui était pas inconnue. Il prit une foule de ruelles pour gagner les faubourgs et arriva à un terrain découvert où se trouvaient quelques petites maisonnettes tranquilles et retirées au fond des jardins, dont elles étaient environnées. Il s’arrêta à la porte de l’une d’elles et Henriette descendit.

À son léger coup de sonnette apparut une femme à l’air triste, au teint pâle, les sourcils relevés, la tête penchée de côté. À la vue d’Henriette, elle fit une révérence et la conduisit à la maison, à travers le jardin.

« Comment va votre malade, ce soir ? dit Henriette.

— Mal, mademoiselle, j’en ai bien peur. Oh ! comme elle me rappelle, par moments, Betsey Jane, la fille de mon oncle ! répondit la femme au teint pâle avec une exclamation douloureuse.

— Sous quel rapport ?

— Sous tous les rapports, sinon qu’elle est plus grande, et que Betsey Jane, quand elle était aux portes du tombeau, n’était encore qu’une enfant.

— Mais vous m’aviez dit qu’elle commençait à se rétablir, dit Henriette d’un ton de douce pitié ; il y a donc tout lieu d’espérer. Mme Wickam ?

— Ah ! mademoiselle, l’espérance est une excellente chose pour qui peut l’avoir, dit Mme Wickam en secouant la tête. Mais moi, je n’ai pas cette force-là ; l’espoir n’est pas fait pour moi, je ne puis qu’envier ceux qui espèrent.

— Il faut tâcher de prendre le dessus et ne pas voir tout en noir, dit Henriette.

— Je vous remercie, mademoiselle, dit Mme Wickam d’un air chagrin. Quand je serais disposée à être de bonne humeur, la solitude dans laquelle je me trouve, excusez-moi de ma franchise, me la ferait passer en vingt-quatre heures. Mais je n’y suis nullement disposée, je ne le pourrais pas. Le peu de bonne humeur que j’aie jamais eue, je l’ai perdue à Brighton, il y a quelques années, et je ne m’en trouve que mieux. » De fait c’était toujours la même Mme Wickam qui avait succédé à Mme Richard pour avoir soin du petit Paul, et qui faisait remonter la perte de sa bonne humeur à son séjour sous le toit de l’aimable Mme Pipchin. Il existe un vieux système d’éducation, d’une sollicitude bien prévoyante, qui semble autorisé par un long usage, et qui, pour l’ordinaire, va choisir dans