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physique étaient mises à de pénibles épreuves. Le major tirait sur la première à chaque heure du jour et la criblait de part en part ; quant à la seconde, il la tenait toujours en baleine, grâce aux coups de poing et aux coups de pied qu’il lui administrait continuellement. Pendant les six semaines qui suivirent la banqueroute, cette malheureuse créature exotique, vécut toute une saison sous une averse effroyable de brosses et de tire-bottes.

Mme Chick avait trois idées sur la cause de ce terrible revers : la première, c’est qu’elle n’y pouvait rien comprendre, la seconde, c’est que son frère n’avait pas fait un effort, et la troisième, c’est que l’événement ne serait jamais arrivé, si elle avait été invitée à dîner lors de la première soirée : elle l’avait bien dit ce jour-là.

Mais chacun pouvait en penser tout ce qu’il voulait, cela n’empêchait pas la banqueroute d’être trop réelle, et ne pouvait rien y changer. On apprit que la liquidation serait faite le mieux possible ; que M. Dombey abandonnait tout ce qu’il avait, sans demander la moindre concession ; que, loin de songer à rentrer dans les affaires, il ne voulait pas même en entendre parler, et qu’il avait résigné tous les postes de confiance et de distinction que lui avait valus sa position respectable dans le négoce ; il se mourait, selon les uns : il était devenu fou, selon les autres ; c’était un homme perdu, selon tout le monde.

Les employés se dispersèrent après un petit dîner de condoléance, où ils égayèrent le repas par des chansons comiques pour se séparer comme il faut. Quelques-uns trouvèrent des places à l’étranger, d’autres rentrèrent dans des maisons de commerce à Londres, quelques-uns s’adressèrent à des amis qu’ils avaient dans la province et pour lesquels ils s’étaient rappelé subitement qu’ils avaient une affection particulière. D’autres se firent annoncer dans les journaux pour demande d’emploi. Seul de toute l’ancienne maison, M. Perch resta : il continua à s’asseoir sur la sellette, occupé à regarder les syndics ou à se précipiter au-devant du chef des syndics, pour se concilier l’homme qui devait lui faire obtenir une place dans une compagnie d’assurance contre l’incendie. La maison de commerce devint bientôt sale et négligée. Le marchand de pantoufles et de colliers de chien, dont la boutique faisait le coin du passage, aurait hésité à porter la main au rebord de son chapeau, si M. Dombey avait apparu en personne, et le commissionnaire, les mains sous son tablier blanc,