Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 3.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de tous ces curieux avides, qui l’écoutaient la bouche béante, leur parlait tout bas de l’événement, si bas qu’on eût dit que le corps de la maison défunte était là sur son lit funèbre dans la pièce à côté. Il racontait comment Mme Perch en était venue pour la première fois à deviner que les choses allaient mal ; c’était quand elle avait entendu M. Perch gémir pendant son sommeil et s’écrier : « Cinquante pour cent, cinquante pour cent. » Il attribuait cet acte de somnambulisme à l’impression que le changement de la physionomie de M. Dombey avait produite sur lui. Puis il leur assurait qu’un jour il avait dit à M. Dombey : « Oserais-je, monsieur, vous demander si vous êtes dans une triste situation d’esprit ? » et que M. Dombey lui avait répondu « Mon fidèle Perch… mais non, ce n’est pas possible ! » et que se frappant le front, il l’avait quitté en disant : « Perch, laissez-moi. » Bref, M. Perch, victime de sa position, se croyait obligé de débiter un tas de mensonges, se laissant toucher lui-même jusqu’aux larmes par ses contes larmoyants, et finissant par se persuader, en toute sincérité, que ses inventions de la veille étant répétées le lendemain acquéraient nécessairement par là un certain caractère d’authenticité.

M. Perch terminait toujours toutes ses confidences, en faisant observer avec douceur que, s’il avait eu des soupçons (en avait-il jamais eu, c’était une question), ce n’était pas à lui, Perch, de trahir la confiance de son maître, et il en appelait aux personnes présentes parmi lesquelles, à dire vrai, jamais il ne se trouvait de créanciers. Aussi, chacun le félicitait de ses généreux sentiments, en sorte, qu’en général, M. Perch emportait toujours de ces conférences une conscience tranquille, et laissait derrière lui une impression favorable, quand il retournait à sa sellette, toujours pour examiner les étranges figures des syndics et des autres personnages, si habiles à déchiffrer le grimoire des grands-livres. De temps en temps, il allait sur la pointe des pieds dans la chambre vide de M. Dombey pour tisonner ; tantôt il allait à la porte prendre l’air et causer tristement avec quelque flâneur de sa connaissance, ou bien il cherchait par mille petites prévenances à se concilier le chef des syndics, M. Perch espérant beaucoup qu’il lui ferait obtenir une place d’homme de peine dans une compagnie d’assurance contre l’incendie, lorsque la liquidation de la maison serait terminée.

Quant au major Bagstock, la banqueroute fut pour lui une vraie calamité. Le major n’avait pas une sensibilité très-vive