Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 3.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à Suzanne Nipper, quand il revient le soir, qu’il n’a jamais été aussi malheureux qu’aujourd’hui, mais ça ne fait rien, il en est bien aise. Il s’épanche dans le sein de Suzanne Nipper, qui est seule avec lui, lui rappelle l’état de son cœur, le jour où elle lui a naïvement répondu qu’il n’était pas probable que Mlle Dombey l’aimât jamais. Dans l’ardeur des confidences, que font naître des souvenirs communs et leurs larmes réciproques, M. Toots propose de sortir ensemble et d’acheter quelque chose pour le souper. Miss Nipper approuve ; ils achètent beaucoup de bonnes choses, et, aidés de Mme Richard, ils préparent un joli petit souper pour le retour du capitaine et du vieux Sol.

Le capitaine et l’oncle Sol sont allés à bord ; ils y ont installé Diogène ; ils ont vu embarquer les malles. Ils ont beaucoup de choses à dire sur la popularité dont Walter jouit parmi les passagers, sur les embellissements auxquels Walter a travaillé, du matin jusqu’au soir, pour faire de sa cabine ce que le capitaine appelle un bijou, dans l’intention de surprendre sa petite femme ; « la cabine d’un amiral, entendez-vous, dit le capitaine, n’est pas plus pimpante. » Mais un des plus grands plaisirs du capitaine, c’est de savoir que son oignon, ses pinces à sucre, et ses petites cuillers à thé sont à bord, et il se dit et se redit en lui-même : « Édouard Cuttle, mon garçon, vous n’avez jamais eu une meilleure idée que le jour où vous avez fait ce petit cadeau conjointement. Vous voyez comme cela a profité, Édouard, dit le capitaine, et cela vous fait honneur, mon garçon. »

Le vieil opticien a la tête un peu plus embrouillée qu’à l’ordinaire ; il est plus sombre : ce mariage et surtout cette séparation, lui tiennent au cœur. Mais il est grandement consolé par son vieil ami, Ned Cuttle, qui est à ses côtés : aussi quand il se met à table pour souper, sa figure est plus heureuse et plus gaie.

« Mon enfant a été sauvé, dit le vieux Sol Gills, en se frottant les mains, et il est en bon chemin. Quel droit aurais-je de me plaindre et de ne pas me montrer joyeux et content ? »

Le capitaine, qui ne s’est pas encore mis à table et qui n’a fait depuis quelque temps que virer d’un côté et de l’autre, se tient debout d’un air indécis à sa place, regarde du même air M. Gills et lui dit :

« Sol ! il y a encore en bas la dernière bouteille du vieux