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dans l’église, quand paraît un jeune couple simplement vêtu. Le vieux chapeau de Mme Miff se tourne de leur côté en faisant la moue, car la bonne dame croit deviner dans cette visite matinale un couple fugitif :

« Nous ne venons pas pour nous marier, dit le jeune homme, nous venons seulement nous promener dans l’église. »

Et comme il glisse une gracieuse offrande dans la main de Mme Miff, sa mine rechignée se détend, et son vieux chapeau s’incline et craque avec sa maigre et sèche figure.

Mme Miff se remet à épousseter et à battre ses coussins, car on lui a dit que le gentleman au teint cuivré avait les genoux sensibles ; mais son œil brillant, son œil de loueuse de chaises reste fixé sur le jeune couple qui se promène dans l’église. « Hum !… tousse Mme Miff dont la toux est plus sèche que le foin de ses coussins, vous reviendrez nous voir un de ces quatre matins, mes petits poulets, ou je me trompe fort. »

Ils regardent une pierre scellée dans le mur et élevée à la mémoire d’une personne. Ils sont assez loin de Mme Miff, mais Mme Miff peut voir, du coin de l’œil, que la jeune fille s’appuie assez fort sur le bras du jeune homme, et que la tête de celui-ci se penche sur elle.

« Bien, bien, dit Mme Miff, vous pourriez faire pis, car vous êtes vraiment un joli petit couple ! »

La remarque de Mme Miff n’a rien de personnel. Elle parle tout bonnement au point de vue commercial. Elle n’est guère plus curieuse de couples que de cercueils. Elle est si roide, si sèche, si maigre, cette bonne vieille dame ! Vraiment elle est aussi sympathique que ses bancs, et sensible comme un copeau. M. Sownds, qui a pris de l’embonpoint, et qui a de l’écarlate dans son costume, a un tout autre caractère. Debout sur les marches avec Mme Miff, il dit, en voyant le jeune couple s’éloigner :

« Elle a vraiment une jolie tournure, n’est-ce pas ? Et aussi, je crois, une jolie figure, autant que j’en puis juger (car Florence en s’éloignant baissait la tête). Enfin, madame Miff, dit M. Sownds qui s’en lèche les barbes, c’est ce que l’on peut appeler un vrai bouton de rose. »

Mme Miff fait, de son vieux chapeau, un signe d’assentiment de complaisance, mais, au fond, elle trouve le propos si léger de la part de cet officier de la paroisse, qu’elle se dit que, pour tout l’or du monde, elle ne consentirait pas à devenir la femme de M. Sownds, tout bedeau qu’il est.