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— C’est bien, Ned. Maintenant un moment d’attention, dit le vieillard. La première fois que je vous ai écrit, c’était de la Barbade. Je vous disais que malgré la réception de cette lettre qui devait vous parvenir longtemps avant la fin de l’année, je serais bien aise que vous ouvrissiez le paquet, parce que vous verriez dans ma lettre la cause de mon départ. Très-bien. Quand je vous ai écrit, la seconde, la troisième et peut-être la quatrième fois, c’était de la Jamaïque, je vous disais que j’étais encore dans le même état, que je n’aurais de tranquillité, que je ne quitterais cette partie du monde que lorsque je saurais si mon enfant était mort ou vif. La dernière fois que je vous ai écrit… c’était, je crois, de Démérary… n’est-ce pas ?

— C’était, je crois, de Démérary ! fit le capitaine en promenant ses regards désespérés autour de la chambre.

— Je vous disais, continua le vieux Sol, que jusqu’à présent on n’avait aucun renseignement certain, que j’avais rencontré beaucoup de capitaines et d’autres personnes, dans cette partie du monde, qui m’avaient connu il y avait des années, qui m’aidaient à faire une traversée ici, une traversée là, et que de temps en temps je pouvais, en retour, leur rendre un petit service pour ce qui avait rapport à ma partie ; je vous disais que tout le monde était fâché de me voir dans cet état, que chacun semblait s’intéresser à mes pérégrinations, et que je pensais bien que je resterais là en croisière jusqu’à ma mort, attendant au passage des nouvelles de mon enfant.

— Qu’il pensait bien qu’il resterait là en croisière comme la Frégate Volante en tournée scientifique ! dit le capitaine toujours avec le même flegme.

— Mais quand je reçus la nouvelle, Ned (c’était à la Barbade, où j’étais revenu), quand je reçus la nouvelle qu’un vaisseau marchand venant de Chine était, à ce qu’on disait, chargé pour l’Angleterre, et portait à bord mon enfant ; alors, je ne fis ni une deux, je m’embarquai sur le premier bâtiment venu pour revenir à la maison, où j’arrive ce soir pour constater que c’était bien vrai. Dieu soit béni ! » le vieillard prononça ces derniers mots avec onction.

Le capitaine, après s’être courbé avec un grand respect, promena ses regards autour des assistants, en commençant par M. Toots pour finir par l’opticien ; puis, d’un ton grave, il s’exprima en ces termes :

« Sol Gills ! l’observation que je crois de mon devoir de