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tour à tour et, s’apercevant que personne ne le remarquait et ne voyait la cause de son étonnement, le capitaine reprenant l’haleine qu’il semblait avoir perdue, donna un violent coup de poing sur la table et cria d’une voix de stentor :

« Ohé ! Sol Gills ! » et il tomba dans les bras d’une capote usée qui était entrée en même temps que Polly.

Quelques instants après, la même capote recevait dans ses bras Walter et Florence. Après quoi, le capitaine embrassa Mme Richard et Miss Nipper et donna une poignée de main soignée à M. Toots, en s’écriant, son croc en l’air :

« Hurrah ! mon garçon ! hurrah ! »

M. Toots incapable de répondre à ces démonstrations, dit avec la plus grande politesse :

« Certainement, capitaine Gills, tout ce qu’il vous plaira ! »

La capote usée, le capuchon et le cache-nez, dignes pendants de la capote, se détournèrent du capitaine et de Florence pour retourner à Walter ; et du fond de la capote, du capuchon et du cache-nez on entendait la voix d’un homme qui sanglotait, entourant étroitement Walter de ses manches à longs poils.

Pendant cette pause, il se fit un silence universel et le capitaine se mit à se frotter le nez avec la plus grande vigueur ; mais quand la capote, le capuchon et le cache-nez se relevèrent, Florence s’avança doucement vers eux. Aidée de Walter, elle enleva tous ces vêtements et découvrit dessous le vieil opticien un peu plus maigre et un peu plus ravagé qu’autrefois, toujours avec sa vieille perruque, son vieil habit couleur café, garni comme autrefois de ses énormes boutons, avec l’infaillible chronomètre sortant de sa poche.

« Toujours le même puits de science, dit le rayonnant capitaine, Sol Gills ! Sol Gills ! qu’est-ce que vous êtes donc devenu tout ce temps-là, mon vieux garçon ?

— Je suis devenu à moitié aveugle, à moitié sourd et muet de joie, Cuttle, dit le vieillard.

— C’est toujours la même voix, dit le capitaine regardant tout autour de lui avec une exaltation que sa figure rayonnante ne rendait encore que d’une manière imparfaite. C’est toujours sa même voix, c’est toujours le même puits de science ! Sol Gills ! mon garçon, tu peux t’étendre maintenant sous ta vigne et sous tes figuiers, comme un bon vieux patriarche que tu es, pour nous raconter tes aventures, de cette voix que nous connaissons si bien ! C’est la voix, dit le capitaine s’apprêtant à faire sen-